La Graine et le mulet,

film d'Abdellatif Kechiche (2007)



Avis général : 3.5/10
:-) Un portrait de groupe chalereux. L'humanisme intact de Kechiche.
:-( C'est long sans raison, curieusement construit, et ça manque singulièrement d'enthousiasme.

Le grand retour d'Abdel Kechiche, quelques années après son triomphe surprise aux Cesar avec l'Esquive (film fort intéressant ma foi). Entre temps, Kechiche est déjà devenu une sorte d'icone puisqu'il court désormais les festivals et jouit d'une quasi adoration unanime de la part de la presse. Bref, beaucoup d'espoirs pour ce nouveau film, qu'une fois n'est pas coutume je regarde dans une salle lyonnaise (ils passent rien en VO en province, alors je vais y voir des films français ;-) ).

La graine et le mulet, pour ceux qui s'attendraient à tort à une illusatration d'une fable peu connue de La Fontaine, ce sont les ingrédients principaux du couscous de poisson, sp"cialisée de l'ex-femme de Slimane. Celui-ci, plus ou moins viré des chantiers navals où il a travaillé toute sa vie, décide de monter un restaurant de couscous. Toute la famille le soutient, malgré quelques difficultés relationnelles, mais les élus locaux sont moins emballés. Pour les convaincre, Slimane va organiser une grande fête sur son bateau.

Kechiche est un cinéaste fortement ancré dans le réel, et s'y enfonce ici encore plus que dans son film précédent : acteurs non professionnels, intrigue très réaliste et assez minimale, des ingrédients que je n'apprécie pas outre mesure, mais je lui faisais confiance pour transcender ce récit. Au début, on y croit presque. Les scènes sont justes, on ressent assez fortement le désarroi de Slimane face au peu de reconnaissance de son employeur, son attachement à sa famille, on est sur de bonnes bases.

Et puis, Slimane lance son projet de restaurant, et au lieu de redonner du rythme au film, les péripéties qui s'ensuivent ne font que l'enliser lentement mais sûrement. La construction du récit est franchement hasardeuse (des ellipses assez incompréhensibles sur le mode de financement du projet), Kechiche préférant s'attarder très lourdement sur quelques scènes pas inintéressantes en soi, mais qui finissent simplement par devenir insupportables tant elles sont étirées. C'est carrément une heure du film qui est consacrée à la fameuse soirée, où il se passe certes des choses, mais pas suffisamment pour que le spectateur ne sente pas passer le temps (la poursuite et la danse du ventre sont interminables). Le film aurait énormément gagné à durer une heure de moins.

Et puis ce n'est pas tout : là où l'Esquive transpirait la passion et l'enthousiasme, ce film est trop plat. Les personnages sont trop nombreux pour être creusés (seul Slimane a une certaine profondeur) et on se sent jamais pris par leurs histoires. Je ne comprends pas qu'on puisse considérer Hafsia Herzi comme une révélation, elle qui traine un regard totalement inexpressif tout le long du film (elle donne l'impression de s'emmerder ferme). Finalement, à vouloir trop en faire, Kechiche est tombé dans tous les travers de ce genre de cinéma : son film est chiant, tout bêtement.

Roupoil, 1 janvier 2008.



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