Le grand retour d'Abdel Kechiche, quelques années après
son triomphe surprise aux Cesar avec l'Esquive (film fort
intéressant ma foi). Entre temps, Kechiche est déjà devenu une sorte
d'icone puisqu'il court désormais les festivals et jouit d'une quasi
adoration unanime de la part de la presse. Bref, beaucoup d'espoirs pour
ce nouveau film, qu'une fois n'est pas coutume je regarde dans une salle
lyonnaise (ils passent rien en VO en province, alors je vais y voir des
films français ;-) ).
La graine et le mulet, pour ceux qui s'attendraient à tort à une
illusatration d'une fable peu connue de La Fontaine, ce sont les
ingrédients principaux du couscous de poisson, sp"cialisée de l'ex-femme
de Slimane. Celui-ci, plus ou moins viré des chantiers navals où il a
travaillé toute sa vie, décide de monter un restaurant de couscous. Toute
la famille le soutient, malgré quelques difficultés relationnelles, mais
les élus locaux sont moins emballés. Pour les convaincre, Slimane va
organiser une grande fête sur son bateau.
Kechiche est un cinéaste fortement ancré dans le réel, et s'y enfonce ici
encore plus que dans son film précédent : acteurs non professionnels,
intrigue très réaliste et assez minimale, des ingrédients que je
n'apprécie pas outre mesure, mais je lui faisais confiance pour
transcender ce récit. Au début, on y croit presque. Les scènes sont
justes, on ressent assez fortement le désarroi de Slimane face au peu de
reconnaissance de son employeur, son attachement à sa famille, on est sur
de bonnes bases.
Et puis, Slimane lance son projet de restaurant, et au lieu de redonner du
rythme au film, les péripéties qui s'ensuivent ne font que l'enliser
lentement mais sûrement. La construction du récit est franchement
hasardeuse (des ellipses assez incompréhensibles sur le mode de
financement du projet), Kechiche préférant s'attarder très lourdement sur
quelques scènes pas inintéressantes en soi, mais qui finissent simplement
par devenir insupportables tant elles sont étirées. C'est carrément une
heure du film qui est consacrée à la fameuse soirée, où il se passe certes
des choses, mais pas suffisamment pour que le spectateur ne sente pas
passer le temps (la poursuite et la danse du ventre sont interminables).
Le film aurait énormément gagné à durer une heure de moins.
Et puis ce n'est pas tout : là où l'Esquive transpirait la
passion et l'enthousiasme, ce film est trop plat. Les personnages sont
trop nombreux pour être creusés (seul Slimane a une certaine profondeur)
et on se sent jamais pris par leurs histoires. Je ne comprends pas qu'on
puisse considérer Hafsia Herzi comme une révélation, elle qui traine un
regard totalement inexpressif tout le long du film (elle donne
l'impression de s'emmerder ferme). Finalement, à vouloir trop en faire,
Kechiche est tombé dans tous les travers de ce genre de cinéma : son film
est chiant, tout bêtement.
Roupoil, 1 janvier 2008.