Dans ma vision de la carrière de Clint Eastwood, il y
avait jusqu'ici un gros trou. Je connaissais le cowboy solitaire des
grands westerns de Leone, et aussi le réalisateur qui se met lui-même en
scène depuis maintenant une vingtaine d'années dans des films qui ont
largement dépassé le cadre du gentil film de série B. Mais il est un des
personnages mythiques associés pour jamais au nom de Clint Eastwood que je
n'avais eu l'occasion de voir à l'écran : Harry "Dirty" Callahan (surnom
pas évident à traduire, qui est essentiellement passé à la trappe en
français, d'ailleurs...).
Le lieutenant Callahan, donc, officie à la police de San Francisco, avec
des méthodes pour le moins efficaces mais pas toujours appréciées par tout
le monde. Pourtant, quand un mystérieux tueur répondant au pseudo de
Scorpio se met en mode chantage, c'est à lui qu'on confie l'affaire. Une
course poursuite s'engage, où tous les coups, ou presque, sont permis.
Dès le générique, le film dégage un charme très années 70 imparable. Ledit
générique dure trois plombes, un truc qu'on ne ferait plus de nos jours,
mais la musique hyper rythmée de Schiffrin et les plans fascinants des
gratte-ciels de San Francisco suffisent à accrocher le spectateur. Et puis
dès que Clint Eastwood apparait à l'écran, sa présence envahit le cadre,
et il suffirait presque à lui tout seul à faire tenir la route au film.
D'ailleurs, soyons honnêtes, à part son cachet un peu vieilli (ah, les
bagnoles !) qui nous amuse aujourd'hui, ce premier opus des aventures de
Callahn reste un film de genre sans grand génie, bien foutu et efficace
mais comportant son lot de clichés (le partenaire mexicain qu'on adjoint à
Callahan, les supérieurs qui râlent sans cesse sur Callahan mais
continuent à l'utiliser sans vergogne) et de temps morts (pourtant, ça
court beaucoup, mais après la première arrestation du gros vilain,
l'intérêt en prend tout de même un petit coup). Quand au serial killer, il
est trop peu creusé et caricatural pour vraiment intéresser.
Ceci dit, s'il y a quelque chose qui continue à surprendre 40 ans après,
outre la très bonne utilisation de la géographie de la ville, c'est le
côté indiscutablement "dirty" du film. Même si ça fait un peu rigoler
qu'Eastwood se soit fait taxer de fascisme après ce rôle, c'est sûr que ça
tape, ça pisse le ketchup et ça transpire le sexe assez fréquemment.
Ajoutez à cela quelques répliques qui font mouche, et c'est suffisant pour
passer un très bon moment.
Roupoil, 4 avril 2009.