C'est avec une certaine émotion que je suis allé voir ce
film au cinéma l'autre jour. Rendez-vous compte, Coppola, l'un des piliers
de ma culture ciné, qui sort enfin un nouveau film, qui sera le premier
de lui que j'irai voir à sa sortie sur grand écran. La bande annoncé
m'ayant plutôt alléché, j'étais assez optimiste, mais également un peu
intrigué par les critiques inégales...
L'homme sans âge du titre, c'est Dominic Matei, un chercheur en
linguistique qui vient d'avoir 70 ans, et n'a jamais achevé l'ouvrage
monumental qu'il a entamé dans sa jeunesse. Conscient d'avoir raté sa vie,
il songe à se suicider, quand un coup de foudre lui rend sa jeunesse.
Pourchassé par les vilains nazis, il se cache, tout en continuant ses
recherches sur le langage. Jusqu'à ce qu'il rencontre une jeune femme qui
ressemble étrangement à celle qu'il a aimée longtemps avant.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que pour ce retour, Coppola ne s'est pas
laissé aller à la facilité ! À vrai dire, si j'avais été voir le film sans
en connaitre le réalisateur, j'aurais plutôt imaginé un jeune ambitieux
qui aurait regardé un peu trop de Lynch. Le film est incroyablement riche
et ambitieux, essentiellement d'un point de vue scénaristique, mais
également aussi d'un point de vue technique. Même si Coppola reste assez
fidèle à son style (et on ne s'en plaindra pas, l'image et les cadrages
sont magnifiques de bout en bout), il se permet quelques fantaisies comme
ces curieux plans inversés qui ne font finalement qu'ajouter un peu à
l'étrangeté de la chose.
Car le film est définitivement très loin d'être une oeuvre formatée et
gentiment spectaculaire comme aurait pu le laisser prévoir la bande
annonce. Au contraire, en deux heures de temps, le scénario s'attaque en
vrac à des thèmes aussi lourds et variés que le langage, le temps,
l'inconscient, et encore d'autres. Le tout dans une débauche de dialogues
frisant souvent l'abscons et de scènes qui n'ont pas peur de s'aventurer
résolument sur les pentes du ridicule (le passage en Inde est bien
gratiné). D'un certain côté, on ne peut qu'être fasciné par la foi de
Coppola en son cinéma. De l'autre, je dois bien admettre que je n'ai pas
franchement accroché (pour faire un bel euphémisme). Ca ne me semble tout
simplement pas à la hauteur de son ambition. Le scénario part dans
tellement de directions qu'il finit par en devenir franchement confus, et
la réflexion ne s'élève jamais plus haut qu'une philosophie de bazar très
fumeuse. Quel est le but de tout ça ? Y a-t-il un message profond derrière
ce déballage hétéroclite ? Si oui, il m'a échappé...
Reste le plaisir de voir un grand cinéaste s'amuser avec sa caméra, ce qui
nous évite au moins de tomber dans un ennui profond. Mais la belle
mécanique tourne résolument à vide. Je préfère remonter trente ans en
arrière pour revoir les classiques de Coppola : plus classiques,
justement, mais on sait ce qu'on y cherche, et on le trouve.
Roupoil, 24 novembre 2007.