Il fallait bien que ça vienne : après avoir commencé mon
défrichage des réalisateurs cultes de la Nouvelle Vague avec Godard, le
tour de Truffaut ne pouvait plus guère tarder. Certes, ce n'est peut-être
pas son film le plus emblématique que j'ai choisi, mais on fait ce qu'on
peut, et puis après tout, je cite les fans (ou du moins une fan entendue
dans une salle des profs quelconque il y a peu) "Avec Truffaut on n'est
jamais déçus".
Le titre du film ne ment pas, il s'agit de nous conter l'histoire d'Adèle
Hugo, la fille cadette du grand écrivain, au destin certes moins
tristement célèbre que celui de sa grande soeur Leopoldine, mais qui a
tout de même son pesant de romantisme échevelé à revendre. On se concentre
plus particulièrement ici sur sa fugue Halifax, où elle partit rejoindre
(sans le consentement de ses parents) un lieutenant anglais dont elle
était tombée follement amoureuse, mais qui de son côté ne semblait pas
franchement prêt à l'épouser. Hélas (pour les deux), Adèle n'est pas du
genre à renoncer ni à être raisonnable.
Nombre de réalisateurs se seraient laissé aller, pour décrire cette
passion en costumes, à mettre un peu de flamboyance dans leur style. Ce
n'est pas le cas de Truffaut, qui au contraire prend un soin manifeste à
rester sobre : reconstitution qui se contente du minimum et surtout pas un
plan large ou un décor spectaculaire de tout le film, rien que du resseré
et des ambiances sombres qui laissent tout le loisir de se concentrer sur
l'unique sujet du film : le personnage tourmenté d'Adèle.
C'est un choix qui ne manque pas d'intérêt, mais il aurait peut-être fallu
pour qu'on accroche complètement que le film se détâche plus résolument de
son côté gentiment scolaire : dialogues gentiment récités par des seconds
rôles très peu convaincants (la scène où le mèdecin se rend compte de la
véritable identité d'Adèle, par exemple, ne sonne pas juste du tout), voix
off très planplan au début et à la fin du film, on a souvent plus
l'impression de l'essai trop appliqué d'un élève doué mais pas sûr de lui
que d'un film de la maturité d'un grand cinéaste.
Restent malgré tout de temps à autre de très belles trouvailles
(l'apparition d'Adèle en chapeau dans une soirée mondaine, par exemple)
qui suffisent à insuffler un peu de souffle à un film qui doit au fond
énormément à un choix pour le coup incontournable : Adjani en héroïne est
tout à fait dans le rôle, ce qui tombe bien puisqu'elle est quasiment de
tous les plans. On regrettera simplement que la passion qui devrait être
au coeur de l'oeuvre ne soit souvent visible qu'au fond de ses yeux,
certes forts beaux au demeurant...
Roupoil, 26 juin 2008.