Là, comme ça, on vous montre une affiche avec bruce
Willis et Brad Pitt , et un scénario qui parle de voyages dans le temps et
d'épidémie anéantissant l'humanité, vous en pensez quoi ? Au mieux un
clone de Terminator, au pire un film d'action bêta made in
Hollywood. Et puis vous regardez d'un peu plus près. Déjà, l'affiche et le
titre laissent vaguement songeur. Et surtout, le nom du réalisateur ne
manque pas de vous faire réfléchir : Terry Gilliam. Ça pourrait bien être
un peu plus subtil que prévu...
Dans un futur imprécis, James Cole est enfermé dans une taule souterraine
assez glauque. L'humanité a été décimée par un virus quelque temps
auparavant, les survivants se terrent en sous-sol, et les prisonniers sont
envoyés à la surface recueillir de maigres informations sur la qualité de
l'air. Cole, repéré pour ses qualités d'observation, est envoyé dans le
passé pour tenter de se renseigner sur l'apparition du virus. Mais il ne
rencontre dans un premier temps qu'une charmante psy et, suite à un séjour
à l'asile, le fils dérangé d'un virologue Prix Nobel. Peut-être un début
de piste...
Je ne peux pas en dire beaucoup plus sans dévoiler l'intérêt principal du
film, à savoir un scénario impeccablement construit. Il est d'ailleurs
curieux de constater à quel point 1995 fut une année propice aux ambiances
glauques et scénarii tordus (outre celui-ci, on peut citer Seven
et Usual Suspects...). Pour le film de Gilliam, ce n'est
finalement pas si compliqué que ça, ce qui impressionne surtout est le
millimétrage parfait des informations données au spectateur. On suit
l'enquête de Cole avec intérêt, devançant parfois ses réactions mais
toujours sur la brèche, et à l'affut du détail révélateur. D'ailleurs,
pas franchement besoin d'être à l'affut, tout étant assez visible (mon
côté pervers aurait envie d'être un poil déçu que ce ne soit pas plus
implicite par moments, mais comme ça suffit apparemment à rendre le film
compliqué ou confus pour certains, disons que ça reste suffisament
stimulant pour ne pas vraiment être un défaut). Autre bon point, le film
ne fait pas l'erreur de s'attarder sur les questions philosophiques
entourant les voyages dans le temps, la possibilité de refaire l'histoire
(qui n'existe pas ici) ou de vivre à une époque qui n'est pas la sienne.
Il se contente de les suggérer habilement, laissant le soin au spectateur
de s'interroger plus profondément s'il le souhaite.
Puisque je ne vais pas me risquer à en dire plus sur l'histoire (ah si, je
peux toujours conseiller à ceux qui ne l'ont jamais vu de jeter un coup
d'oeil à La Jetée, le court-métrage de Chris Marker dont le
scénario est censé être inspiré. Le lien est assez ténu mais c'est tout de
même intéressant ; attention quand même, c'est un roman-photo, donc
l'action n'y est pas franchement palpitante), passons aux aspects
techniques. Il faut tout de même tirer son chapeau à Gilliam et son équipe
qui, avec des moyens manifestement limités, ont réussi à créer un univers
sensationnel. Le futur est étonnant, avec son côté bric-à-brac effrayant,
mais très convaincant. Et surtout, le présent, opressant sans qu'on sache
très bien dire pourquoi, est lui-même un fabuleux décor de
science-fiction, dans la catégorie « civilisation en pleine décrépitude ».
Ajoutez à cela des stars qui brillent dans des rôles un peu différents de
leurs habitudes (Willis, parfait dans le rôle de Cole, et Brad Pitt qui
joue les tarés avec un entrain incroyable), et vous obtenez, tout
simplement, l'un des meilleurs films de science-fiction qui soient. Et qui
plus est de la vraie science-fiction, pas un space opera à la Star
Wars ou un film d'horreur façon Alien. Encore merci monsieur
Gilliam.
Roupoil, 25 mai 2005.