Il est de bon ton chez les cinéphiles avertis d'arborer
un sourire entendu au seul nom de Louis de Funès, acteur de comédie
populaire, donc ringard. Ce serait oublier qu'à côté de films pitoyables
(non, non, on ne me fera pas dire que la série des Gendarmes mérite son
succès), il lui est arrivé de trouver des réalisateurs à sa mesure. Gérard
Oury fut certainement le plus grand de ceux-là, mais sa première
collaboration avec un Claude Zidi encore au début de sa carrière est
également un grand moment.
Une date fatidique approche pour tous les restaurateurs de France : celle
de la parution annuelle du sacro-saint guide Duchemin. Charles Duchemin,
le grand patron, met les bouchées doubles, tout en préparant sa
succession (mais c'est pas gagné car son fils préfère manifestement le
cirque à la bonne bouffe) et en surveillant d'un oeil les magouilles de
Tricatel, le magnat du "prêt-à-manger".
Il ne faut pas attendre des miracles du scénario qui est essentiellement
prétexte à égratigner le petit monde de la grande (et moins grande)
cuisine française, mais de façon trop caricaturale pour que ce soit
vraiment méchant, et surtout à aligner les gags et les performances des
deux poids-lourds du comique réunis pour l'occasion : De Funès et Coluche.
Et de ce point de vue, il faut bien l'avouer, c'est tout de même un grand
film. Les gags ne sont pas d'une originalité foudroyante, mais font leur
effet avec une régularité appréciable (la visite de l'usine restera à
jamais un classique de l'humour français), et les acteurs ont de quoi se
faire plaisir avec des dialogues bien écrits. D'ailleurs, De Funès n'a
même pas besoin d'abuser des mimiques pour nous faire rigoler.
Du coup, on se permet de faire semblant de ne pas voir les grosses
ficelles qui sont à peu près les mêmes que dans toutes les bonnes comédies
de l'époque : une jolie fille qui est là uniquement pour se faire
dragouiller gentiment par Coluche, une scène de répartition de chambre
qu'on doit pouvoir retrouver dans une dizaine d'autres films (mais bon, on
rigole toujours en la revoyant, alors après tout), un scénario outrancier
(le gavage de De Funès à la choucroute est tout de même assez répugnant)
et bizarrement foutu (le coup de l'usine qui apparait tout à coup aux
deux-tiers du film, c'est un peu curieux), et une réalisation
passe-partout.
Il ne faut de toute façon pas chercher midi à quatorze heures avec ce
genre de film. Il ne s'agit pas de faire du grand cinéma, mais de divertir
le public. Mission parfaitement accomplie.
Roupoil, 8 juillet 2005.