On avait laissé Peter Jackson le bras chargé de
statuettes après le tromphe programmé et enfin reconnu par les
professionnels du dernier volet du Seigneur des anneaux (qui était
pourtant du même acabit que les deux autres, mais passons), le voilà de
retour. Pour ceux qui pensaient qu'il reviendrait à des projets plus
humains, c'est raté : un budget énorme, des monceaux d'effets spéciaux et
des kilomètres de pellicule, rien que ça pour resusciter l'une des plus
mythiques créatures de l'histoire de septième art : King Kong.
Jackson, qui a déclaré avoir réalisé un rêve de gosse avec ce remake,
reste très fidèle à l'intrigue originale, si ce n'est qu'il se permet de
l'approfondir un peu plus puisque son film dépasse une nouvelle fois la
barrière des trois heures. En gros, trois parties de longueur égale,
d'abord une heure pour placer le décor années 30 (ce qui est certes
beaucoup plus intéressant aujourd'hui qu'à l'époque du King Kong
originel), introduire la belle Ann Darrow, le réalisateur vaguement
inquiétant qui veut aller tourner son film sur une île inconnue, et le
scénariste embarqué malgré lui qui traîne de façon plus ou moins décalée
son spleen au milieu de l'équipage ; une heure sur Skull Island au milieu
des indigènes et des diverses bestioles ; puis la dernière heure (sûrement
un peu moins en fait) de retour à New York, avec ascension obligatoire de
l'Empire State Building pour couronner le tout.
Pendant la première partie, Jackson fait montre de son savoir-faire de
façon plutôt convaincante. Un portrait pas très folichon de l'Amérique de
la Grande Dépression est brossé sans insistance lourde, les personnages ne
sont pas des monuments de subtilité psychologique mais sont bien dépeints,
bref on suit tout ça gentiment en attendant la suite. Seul défaut, Jack
Black surjoue le personnage du réalisateur de manière assez pénible, ce
qui restera vrai tout au long du film d'ailleurs. Par contre, Naomi Watts
est comme il se doit parfaite :-) (bon, en fait, le rôle comme le
personnage sont à la base assez creux...).
Et puis on arrive donc, après quelques scènes de bateau plutôt bien
menées, au coeur du film, l'exploration de Skull Island. Bon point, les
décors sont fabuleux, et le singe (qu'on ne voit pas tout de suite)
également très bien fait. Mais Jackson en abuse franchement, à coup de
scènes répétées sur fond de cascade qui finissent par vraiment lasser.
Beaucoup plus gênant, tout cette partie très orientée action ne convainc
pas. Certaines scènes sont à la limite du grotesque (la poursuite avec les
dinosaures) et, pire que tout, la technique a du mal à suivre, les
dinosaures faisant très "effet numérique surajouté". D'autant plus curieux
que, la plupart du temps, les images de synthèse passent inaperçues. Mais
même dans ces scènes-là, on peine à trouver un intérêt au déploiement de
moyens orchestré par Jackson, ça ressemble beaucoup à une démonstration de
gaspillage de dollars (oui, on peut mettre en scène un gros combat entre
un singe géant et un tyrannosaure, et après ?) peu réfléchie. On essaie
bien de nous mettre du second degré dans tout ça, à coups de références
subtiles (Jurassic Park bien sûr, mais aussi Alien par exemple), mais ça
ressemble plus à une bonne tranche de nanar qu'à de l'ironie assumée.
Une fois de retour à New York, le film retrouve un peu de chair, à défaut
de réussir à nous surprendre. Une scène de patinage tente encore de
plonger du côté du ridicule (sans y parvenir franchement), puis le morceau
de bravoure final est superbement mené. Encore une fois, Jackson en fait
beaucoup, notamment à grand coups de caméras embarquées dans les avions
qui donnent l'assaut au singe, mais il réussit à en tirer des images
suffisamment spectaculaires pour nous accrocher. J'en viendrais presque à
penser que j'étais peut-être juste de mauvaise humeur pendant la deuxième
partie du film, que certains ont préférée à la dernière...
Mais quoi qu'il en soit, et quoi qu'on pense de l'habileté de Jackson à
manier la caméra, une question demeure : pourquoi ce remake ? Jackson ne
fait qu'actualiser un vieux classique, et n'innove absolument pas par
rapport à des dizaines de films à gros budget ayant vu le jour ces
dernières années à Hollywood. Bon, si admettons que le film marque une
étape technique par la qualité (de certaines) des images de synthèse, mais
sinon, on peine à trouver une bonne raison de se précipiter voir ce King
Kong nouvelle génération. Mais si vous avez trois heures à perdre et que
vous aimez en prendre plein la vue, allez-y, vous ne serez sûrement pas
déçus...
Roupoil, 23 décembre 2005.