Allez, de temps en temps, il faut se lancer et s'attaquer
à un pilier de l'histoire du cinéma. Aujourd'hui restera donc à tout
jamais le jour où j'ai écrit ma première critique sur le monstre du
cinéma japonais : Kurosawa. J'avais vu quelques-uns de ses films il y a
quelques années, avec des fortunes diverses (souvent impressionné par
l'esthétique, mais pas forcément emballé par le film pour autant). Comme
souvent, c'est la vue d'un DVD pas cher qui m'a convaincu de tenter une
nouvelle plongée dans l'oeuvre du maitre.
Pour cela, le hasard (à peu de choses près) a choisi Kagemusha
comme cobaye. Le titre signifie littéralement "le double" et conte
l'histoire d'un homme que sa ressemblance frappante avec un grand seigneur
japonais va amener à devenir chef de guerre pas intérim. Intrigue
historique d'une part, puisqu'on est plongés au beau milieu du Japon
médiéval, mais aussi et surtout intrigue psychologique, avec réflexions
shakespeariennes (pas très surprenant de la part de Kurosawa) sur la
condition de double.
Pour une fois, je ne m'étendrai pas principalement sur les qualités
propres du film mais plus sur la façon dont je le ressens. De toute façon,
il n'y a pas grand chose à dire sur la technique de Kurosawa : c'est
impressionnant. La réalisation est d'une précision remarquable,
l'enchainement des plans et des scènes d'une fluidité totale, les images
(même si elles ont un peu vieilli) sont superbes (des couchers de soleil
pas mièvres pour un rond), les décors et costumes aussi, et en plus de
tout ça l'histoire est intéressante. Bref, le pied. Tiens, j'oubliais, la
musique est bien aussi (assez occidentalisante d'ailleurs).
Et pourtant... Ben oui, pourtant, vous l'aurez compris, je n'arrive pas à
trouver ce film vraiment génial. Je le regarde avec intérêt, je suis
emerveillé par moments, mais pas captivé et bouleversé comme je peux
l'être avec un certain nombre d'autres oeuvres. Comme finalement j'en suis
moi-même un peu surpris, je me suis demandé pourquoi. Je crois que c'est
du à une certaine distance qui s'instaure entre le spectacle et le
spectateur que je suis, et qui m'empêche de vvraiment m'imprégner de ce
que je vois. Plus qu'à la mise en scène (certes elle-même assez distante,
voire théâtrale), j'ai l'impression que c'est du essentiellement au jeu
des acteurs. Je ne peux pas dire qu'ils soient mauvais, mais la façon de
jouer des acteurs japonais est assez particulière (j'ose même un assez
artificiele), et perturbe beaucoup l'identification en ce qui me concerne.
C'est bête à dire, mais je pense que le même film joué "à l'américaine"
(oui, je sais, ce serait grotesque) trouverait sa place parmi mes oeuvres
préférées.
Tel quel, j'apprécie toujours les scènes muettes (déplacements d'armée, ou
simplement l'une des premières scènes où un messager court au milieu des
soldats) et lla force du dénouement, mais je ne peux pas dire que je
prenne un plaisir immense au reste du film. D'ailleurs j'ai été bien
embêté pour le noter, car il me laisse une impression très différente
d'autres films pour lesquels j'ai mis cette note (habituellement des films
très paisants, mais pas très recherchés), mais je ne peux pas me résoudre
à mettre plus ou moins. Je vous laisse juger par vous-mêmes :-/.
Roupoil, 15 avril 2006.