La cinéphilie, comme tout le reste en ce bas monde,
évolue avec son temps. Elle est bien loin, l'époque où les salles obscures
étaient le seul endroit où l'on pouvait voir du cinéma. Après les
révolutions qu'ont constitué la télévision et les enregistrements sur VHS
puis autres supports, nous sommes désormais plongés dans une nouvelle ère
où le support même du film tend à disparaitre : celle du téléchargement.
Loin de moi l'idée de lancer une diatribe pour ou contre Hadopi ici, mon
but est simplement de constater l'apparition d'une nouvelle forme de
dévoreurs d'images, ceux qui les chargent par centaines d'heures pour les
regarder devant leur écran de PC, souvent fans de séries télé plus que de
cinéma, et faune assez distincte du cinéphile plus classique qui continue
à préférer se déplacer pour voir un film en qualité convenable (vous
l'aurez compris, je fais plutôt partie de cette dernière catégorie). En
tout cas, voila de quoi justifier le curieux parcours à l'origine du film
dont je vais enfin me décider à vous parler maintenant : d'abord série
télé, passée au grand écran ensuite, un peu à contre-courant de ce qu'on
attend logiquement pour une oeuvre de cinéma...
Cal McAffrey est journaliste dans un grand quotidien new-yorkais, du genre
vieux briscard qui gère à mort. Il est envoyé enquêter sur le meurtre d'un
marginal qui semble lié à une affaire de drogue. Au même moment, la
maitresse d'un de ses copains devenu député meurt également, apparemment
accidentellement. Les deux affaires ne seraient-elles pas, par hasard,
plus liées et moins simples qu'elles n'en ont l'air ?
Des journalistes, une intrigue qui mêle des éléments de film policier et
de la politique (très au goût du jour, comme il se doit), une recette déjà
éprouvée maintes et maintes fois par le cinéma américain, notamment dans
des classiques des années 70 que je n'ai pas vus (un jour j'arrêterai de
préciser tous les films que je n'ai pas vus, je passerai moins pour un
incompétent). D'ailleurs, ce nouveau venu sur les écrans ne fait vraiment
pas dans l'originalité, alignant les personnages (la rédactrice en chef
stricte mais au fond compréhensive et compétente) et situations (ah, le
retour de la vengeance du duo mal assorti mais qui va en fait casser la
baraque !) vues trente mille fois ailleurs. Même le contenu du scénario
n'a au fond rien de très surprenant.
Bon, certes, et alors ? On s'en fout ! Quand les ingrédients sont bons, et
c'est vraiment le cas ici, il n'y aucune raison de cracher dans la soupe,
même si on y a déjà gouté bon nombre de fois. Ici, la mécanique est bien
huilée et tourne impeccablement : acteurs au poil, réalisation hyper
efficace, rythme totalement maitrisé, il y a de l'action, du suspense, de
la tension, tout ce qu'il faut pour nous maintenir plus qu'éveillés
jusqu'au dénouement.
À ce propos, tout de même, un petit bémol concernant la résolution finale
du mystère, qui a une petite tendance à charger la barque quand un
rebondissement de moins aurait peut-être suffi. Enfin, même si ce n'est ni
le plus original ni le plus parfait des thrillers politiques, ça fait
vraiment plaisir quand on voit un film hollywoodien où l'incontestable
savoir-faire est aussi bien exploité.
Roupoil, 3 juillet 2009.