Papy Clint, du haut de son grand âge, continue à faire des
films régulièrement. Et non seulement ça, mais il réussit encore à être
attendu comme l'un des piliers de la saison cinématographique, et à attirer
les plus grands acteurs à la recherche de leur rôle en or pour les Oscars,
comme ici Di Caprio venant se frotter à la mythique figure de J.Edgar Hoover,
fondateur et unique directeur du FBI jusqu'à sa mort, qu'il interpète sur
plusieurs décennies d'histoire mouvementée des Etats-Unis.
On ne suit pas du tout linéairement l'ascension de Hoover et la construction
du FBI, puisque le film est au contraire construit à grands coups de
flash-backs, partant des séances de dictée de ses mémoires qu'un Hoover
vieillissant impose à quelques-uns de ses subordonnés. Prétexte évidemment à
une plongée dans le passé, à quelques périodes clés de la carrière d'Hoover,
assez nettement centrées tout de même sur ses débuts. On le voit donc, poussé
par sa paranoïa anti-communiste et fan de police scientifique, tenter de lancer
presque seul contre tous ce qui deviendra l'un des piliers du pouvoir
américaine. On enchainera, entre autres, sur une revue assez détaillée de
l'affaire Lindbergh, ainsi qu'un aperçu de ses rapports trop proches avec sa
mère, et curieux avec les deux collaborateurs proches que furent son inamovible
secrétaire et surtout son bras droit et supposé amant Clyde Tolson.
Tout cela laisse finalement peu de temps à une véritable analyse de la
politique intérieure américaine au vingtième siècle, analyse que le film ne
fait tout simplement pas, préférant se concentrer sur ce qui se passe en
interne au FBI, voire même sur la vie intime de Hoover. L'avantage c'est que
l'intrigue n'est pas trop surchargée, et que le film trouve son rythme sans
problème. Assez curieusement, le rythme est d'ailleurs assez lent dans
l'ensemble. Tout ce qu'il faut pour que Clint laisse s'exprimer à plein
son talent toujours indéniable derrière la caméra.
Ben ouais, mais bon, on n'est quand même pas seulement venus pour voir un
grand homme souffrir sur fond gris (les choix de couleurs sont assez
tristounets), même quand il est bien interprété par DiCaprio. On voit
d'ailleurs ce dernier dans quasiment tous les plans, quand Naomi Watts est
quasiment reléguée au rôle de figurante (Armie Hammer a droit à un peu plus,
et s'en sort pas mal). Peronnages trop peu creusés (même Hoover, dont on est
pourtant censé explorer les zones sombres, reste assez opaque), manque de
véritables coups d'éclats, enjeux assez faibles, on n'ira pas jusqu'à dire
qu'on se fait chier, mais il faut bien admettre que la film ne passionne
tout simplement pas.
Peut-être finalement qu'Eastwood finit par tomber dans le piège qu'on craignait
tant pour lui, celui d'un académisme un peu plan-plan qui, sans qu'on puisse
reprocher grand chose au film, le fait tout de même nettement basculer du côté
des films qu'on oubliera vite, très loin des attentes qu'on plaçait en eux.
Des films dispensables, somme toute.
Roupoil, 4 février 2012.