Vous ne le savez peut-être pas, mais Peter Weir, avant
d'émigrer à Hollywood et de réaliser un certain nombre de classiques en
tête desquels figure l'assez surestimé Cercle des poètes
disparus, fût l'homme qui fit découvrir le cinéma des antipodes au
monde entier avec son deuxième film, ce Pique-nique à Hanging
Rock qui n'a pas grand chose à voir avec les canons du film
américain puisqu'il est resté culte dans le genre "contemplatif éthéré".
C'est même, dit-on, l'une des pricipales influences ayant guidé Sofia
Coppola pour son Virgin suicides. Voilà qui ne peut pas être
mauvais !
Un beau jour d'été 1900 (eh oui, la Saint-Valentin tombe en plein été en
Australie), les jeunes filles de l'institution Appeyard, modèle de
pension ultra coincée dirigée d'une main de fer par une mèmère hyper
rigide, partent pique-niquer près d'Hanging Rock, curiosité géologique
locale, en compagnie de deux de leurs enseignantes. En début
d'après-midi, quatre d'entre elles vont admirer le caillou d'un peu plus
près. Une seule revient, totalement terrorisée, et ce qui s'est passé au
sommet du rocher tient du mystère impénétrable.
Dire que ce film joue en effet énormément sur son atmosphère serait un
énormé euphémisme. Musique planante à la flûte de pan, plans noyés de
lumière sur les paysages australiens, ralentis subtils sur la chevelure
d'une héroïne blonde à souhait (de fait, Virgin suicides tiens
quasiment de la copie pure et simple de ce point de vue) et citations au
sens nébuleux, on nous met la totale et même un peu plus pour nous
mettre dans l'ambiance. Ca pourrait même devenir franchement tarte si ce
n'était finalement fait avec une telle bonne foi un brin naïve qu'on
admet que l'auteur était pris dans son trip (la trentaine d'années
passées depuis la sortie du film ne lui ont d'ailleurs pas nui de ce
point de vue, il a un petit cachet rétro pas désagréable).
En tout cas, les fans de scénarios millimétrés et d'action rythmée en
seront pour leurs frais, puisque pendant à peu près la moitié du film
(jusqu'à la disparition), il ne se passe essentiellement rien. C'est
pourtant, de loin, la moitié la plus intéressante. Ensuite, Weir
s'attache en effet à tenter d'analyser les réactions de différents
personnages face au mystère, mais tout en gardant un penchant pour le
non-dit et l'ellipse qui n'a plus vraiment lieu d'être. Du coup, de
thèmes à peine effleurés (les relations entre l'aristo et son
domestique) en longueurs inutiles, on finit par se demander où tout cela
veut en venir, et la dernière demi-heure n'est vraiment pas des plus
convaincantes.
Encore plus surprenant peut-être, les relations amoureuses, qui auraient
pu et sûrement du être un thème majeur du film, sont en permanence
sous-jacentes, mais tellement peu explicitées qu'elles finissent par se
noyer dans le soleil australien. Une réussite esthétique donc, mais pour
le reste, je suis très mitigé. Trop de mystère tue le mystère,
parfois...
Roupoil, 25 août 2009.