Une découverte cinématographique tient parfois à fort peu
de chose. Un gros coup de fatigue pour le premier jour des vacances, une
coupure de courant qui empêche de faire quoi que ce soit dans mon lieu de
débauche préféré, et hop je vais m'enfermer dans un ciné, en prenant le
premier film qui passe (bon, disons qu'il faut comprendre film comme
distinct de daube, tout de même). Allez, admettons que j'en avais quand
même entendu parler avant :-).
Commençons par préciser pour ceux qui ne connaissent pas qu'il s'agit de
dessin animé, mais pas vraiment du genre de ceux où on accompagne son
cousin de cinq ans. Ça commence d'ailleurs par un enculage de mouche (au
sens propre) dans un bar. À la suite quoi Jojo, le tenancier du lieu,
raconte aux deux tourteraux égarés devant son comptoir l'histoire de Spud,
jeune premier débarquant dans le lycée local, et qui finira par piquer
la très sophistiquée Cherrie à Rod, le caïd du coin.
L'histoire est assez banale, mais le traitement que lui inflige Plympton
beaucoup moins ! Je vais utiliser un anglicisme pour décrire en un seul
mot l'atmosphère globale du film, car c'est celui qui me vient à l'esprit
: c'est trash. Souvent gore, à grands coups de boyaux, arrachage d'ongles
et bêbêtes en tout genre, souvent quelque chose de répugnant à un coin ou
à un autre de l'écran, l'inventivité par ailleurs fabuleuse de Plympton
n'est peut-être pas à mettre entre toutes les mains. Elle demande aussi un
certain temps d'adaptation. Avec ses dessins faits main et les libertés
prises dans le traitement de l'image, on est loin de la lissité de
beaucoup d'oeuvres animées. Mais passées quelques minutes où se demande un
peu où tout cela va nous mener, on s'y fait. Plus gênant, il semblerait
qu'il faille aussi un certain temps pour ressortir de l'univers de
Plympton, car il nous sert dans les dernières minutes un épilogue un peu
mou qui ferait presque paraitre le film long alors qu'il ne dure qu'un peu
moins d'une heure vingt.
C'est un peu dommage, mais largement compensé par l'immense plaisir
procuré par les trois quarts d'heure au coeur du film. C'est bien simple,
je ne pensais même pas qu'on puisse faire dans le domaine du dessin animé
quelque chose d'aussi différent de tout ce qu'on voit ailleurs (oui,
Miyazaki aussi sait être très inventif, mais ça reste tout de même très
classique comparé à l'ovni de Plympton). L'invention est constante, il a
des idées pratiquement à toutes les planches, c'est impressionnant. Dans
un tel foisonnement, naturellement, on ne peut pas éviter un certain
déchet (le bouchon est peut-être poussé un peu loin par moments, par
exemple lors de la longue séquence de folie de la mascotte-poulet), mais
on pardonne bien volontiers car il reste toujours quelque chose de
réjouissant à se mettre sous la dent. L'invention graphique est
fascinante, l'utilisation de la musique très efficace, l'humour
franchement hilarant, et même les rares scènes romantiques perdues au
milieu d'une électrocution de grenouille ou d'une poursuite en voiture
délirante font leur petit effet.
Foncez donc voir Plympton en action, on peut certes trouver des défauts à
ce film, mais ses fantastiques qualités suffisent à justifier selon moi de
le mettre parmi les incontournables de ce début d'année. Un des films les
plus novateurs qu'il m'ait été donné de voir depuis un certain temps (vous
aurez compris que je n'ai pas vu les oeuvres précédentes du monsieur).
Roupoil, 24 avril 2005.