Encore Clint Eastwood ? Mais ça suffit, il a déjà sorti
un film y a même pas six mois ! Eh oui, mais là on a droit non seulement à
Clint réalisateur, mais aussi à Clint acteur, deux pour le prix d'un ! Et
encore plus fort, ledit Clint a plus ou moins annoncé que ce serait
éventuellement peut-être son dernier film en tant qu'acteur. Alors, effet
d'annonce pour que tout le monde fonce voir le film ? Si c'est le cas, ça
a formidablement marché auprès de la critique, quasiment unanime pour y
saluer un des plus films d'Eastwood, carrément. Bon, c'est pas comme si
j'avais prévu de ne pas le voir de toute façon, donc allons nous faire une
idée.
Walt Kowalski est un ancien de la guerre de Corée complètement
caricatural. Bougon, prêt à cracher sur sa famille qu'il hait
cordialement, raciste, prêt à traiter de tous les noms d'oiseaux ses
voisins, et bien sûr grand amateur de binouze et d'armes. Ah, et j'allais
oublier l'essentiel : sa voiture de collection qu'il a lui-même
partiellement montée du temps où il bossait chez Ford, lui qui pour rien
au monde n'achèterait du japonais. Le jour où son petit voisin essaie du
lui piquer sa caisse (sur ordre d'un cousin chef de gang), forcément ça
barde. Mais le vieux Walt n'aurait-il pas un peu de bonté au fond du coeur
quand même ?
Bien sûr, le retournement de situation est extrêmement téléphoné, mais
dans la mesure où c'est le principe même du scénario, on ne lui en veut
pas trop. Là où on sera moins indulgent, c'est pour les grosses ficelles
et autres caricatures grossières qui accompagent la mise en place de
l'intrigue. La famille de Walt est ridicule, petite-fille branchouille en
tête, et du côté des asiatiques ce n'est pas beaucoup mieux, le rôle de la
fille "attention, je vais te démolir soigneusement tes préjugés, j'ai
toujours la réplique pas crédible qui tue à la bouche" étant aussi
horripilant. De tels défauts seraient suffisants à plomber totalement le
film si Clint (quel bel homme, quand même) n'avait eu l'intelligence de
les tourner partiellement de son côté en jouant complètement sur le côté
grossier de la situation et en la transformant carrément en source de gags
pas spécialement recherchés.
Pendant une petite moitié de film, c'est lui qui fait le spectacle, en
grognant et en surjouant de façon honteuse (mais manifestement volontaire)
pour nous arracher quelques rires, ce qui marche finalement assez bien. Un
exemple frappant : la scène où sa gentille voisine croise un groupe de
blacks pas bien intentionnés. C'est caricatural, prévisible, avec des
dialogues pitoyables et mal joués, bref c'est une scène atroce. Et puis
Clint déboule, balance une réplique énorme, et paf ça sauve tout. Ce gars
serait capable de vous sauver n'importe quelle bouse de scénario (même si
Paul Haggis a réussi à faire assez moisi pour le piéger dans Lettres
d'Iwo Jima).
Après, ne soyons pas trop méchants non plus, le fond du film s'améliore
nettement dans la deuxième moitié, quand Clint prend le jeune Thao sous
son aile et lui apprend la vie, puis quand on se dirige vers un final
forcément dramatique, mais presque inattendu et assez réussi. Malgré tout,
on est bien loin du chef-d'oeuvre annoncé, simplement un film beaucoup
plus regardable qu'il n'aurait pu l'être entre d'autres mains. C'est pas
mal, mais on espère bien que Clint nous produira encore d'autres oeuvres
meilleures que celle-là.
Roupoil, 28 février 2009.