Hein, quoi, encore un polar plein de mafieux ? Non mais
c'est on, on en a déjà vu des dizaines, ça suffit ! Oui, mais non, car
celui-ci est d'un style différent, et suffisamment novateur pour avoir
tapé dans l'oeil de la critique en général et du jury de Cannes en
particulier. Plus réaliste que ses cousins américains, ce serait un choc
d'un nouveau genre. Ma foi, allons voir...
Le film se déroule en grande partie à Naples, lieu d'ancrage d'une des
plus puissantes mafias que compte l'Italie, la Camorra, et se propose de
suivre l'itinéraire de quelques habitants de la ville confrontés malgré
eux à cet encombrant voisinage. Il y a ceux qui y ont trouvé un boulot
peut-être pas très honnête mais qu'ils espèrent sans risque, et ceux qui
ne rêvent que de rejoindre à leur tour un des clans qui dominent la ville.
Rares sont ceux qui essaient de rester indépendants, et pas sûr que ce
soit dans leur intérêt...
Une fois passée une scène d'introduction qui rappelle les classiques de
Scorsese en plus cheap (et dont on continue à se demander ce qu'elle
faisait là une fois le film fini), on entre dans le vif du sujet et le
style hyper réaliste du film. Images moches, presque pas de musiques,
acteurs plus ou moins amateurs, et les (rares) explosions de violence,
loin d'être stylisées, sont d'une très sobre brutalité. Bref, si vous
comptez en prendre plein les yeux, c'est raté, le but c'est de faire
"informatif".
Après tout, pourquoi pas, mais le problème du film est à mon humble avis
qu'il n'arrive à convaincre vraiment ni du côté documentaire, ni du côté
fiction. Il manque un contexte précis et des informations pour pouvoir
donner une véritable vision de ce que représente la Mafia dans la région,
et en même temps on a bien du mal à acccrocher à un récit qui manque de
fluidité, d'ampleur, et tout bonnement de personnages attachants. Pourquoi
d'ailleurs avoir mêlé ces quatre ou cinq histoires sans grand rapport, pas
suffisamment creusées pour qu'on y rentre totalement ? Alors oui, certes,
le constat est édifiant, mais va-t-il vraiment surprendre les moins naïfs
d'entre nous ?
Pourtant, le film ne manque pas de style et réussit même quelques scènes
marquantes, surtout dans la dernière demi-heure. On est d'ailleurs presque
déçus que ça s'arrête, par ailleurs de façon assez étrange alors que
certaines histoires sont laissées en suspens. Et on se serait franchement
bien passés des quelques cartons moralisateurs du générique, avec ses
chiffres hors contexte censés nous sensibiliser et qui personnellement
m'horripilent. Finalement, on se demande si, plus que d'un concept mal
exploité, il ne s'agit pas tout simplement d'un mauvais concept... Une
forme plutôt intéressante, mais un fond qui, malgré toutes les bonnes
intentions, ne suffit pas à faire un bon film.
Roupoil, 15 août 2008.