Les auteurs de BD qui passent au cinéma, c'est à la
mode. Il faut dire que la génération actuelle de dessinateurs
francophones est constituée d'un certain nombre d'artistes passionnants,
et il n'est guère surprenant qu'après avoir dynamité le neuvième art,
l'envie leur prenne de faire parler d'eux ailleurs. Et forcément, quand
c'est leur chef de file, l'extraordinairement prolifique Joann Sfar, qui
passe derrière la caméra pour tenter de restituer à l'écran la vie d'une
icone comme Gainsbourg, ça ne peut que donner un film très attendu.
Personnellement, c'est plus Sfar qui m'attirait que Gainsbourg (dont je
ne suis, pour le dire sobrement, pas un grand fan), mais c'était
suffisant pour me faire voir le film lors d'une des premières séances.
Gainsbourg, donc, est né Lucien Ginsbourg dans le Paris de l'entre-deux
guerres, fils d'émigrés russes et juifs. Il se lance d'abord dans la
peinture avant de se retrouver presque par hasard auteur de chansons. Le
film retrace tout un lot de rencontres, des femmes principalement (même
si Boris Vian fait un petit passage), ses muses, de Birkin à Bambou en
passant par Juliette Gréco ou Brigitte Bardot.
Pas grand chose de plus à dire sur le scénario, puisque de fait il n'y
en a pas vraiment. Sfar marche beaucoup à la vignette (oui, je sais
c'est facile), tentant de dépeindre successivement quelques moments-clés
de la carrière mais surtout de la vie privée de Gainsbourg. Il s'attarde
d'abord un bon moment sur son enfance, partie assez intéressante mais
vraiment trop appliquée (l'acteur qui joue le jeune Gainsbourg récite
son texte...). Survient assez rapidement le personnage du double de
Gainsbourg, avec lequel ce dernier discute à intervalles réguliers dans
le film. Pourquoi pas ? C'est en fait quasiment la seule tentative de
sfar pour s'éloigner franchement du cadre d'un biopic formaté. Dommage,
on aurait vraiment aimé plus de folie.
Une fois Gainsbourg adulte, Elmosnino prend le relais dans le rôle-titre
et, il faut bien le dire, est assez fascinant. Les rencontres et les
tubes s'enchainent pour Gainsbourg, c'est d'abord tout à fait
convaincant et bien rythm", puis malheureusement le procédé devient
assez systématique (rencontre avec une nouvelle nana, trois ou quatre
scènes-vignettes, et hop on passe à la suite) et lassant. Surtout, le
manque d'unité de l'ensemble finit par devenir franchement flagrant et
gênant. Quel est le but de tout ça ? Que cherche-t-on à nous dire ou à
nous apprendre sur Gainsbourg ? Pas grand chose, apparemment...
Reste le plaisir de voir défiler sous nos yeux un casting féminin
amusant, et de profiter de quelques moments musicaux (en ce qui me
concerne, j'ai un avis assez neutre à leur sujet...). Gainsbourg était
de façon un personnage suffisamment riche pour que le film ne puisse pas
être totalement creux. Mais on ne peut pas vraiment dire que le film de
Sfar soit, en lui-même, une vraie réussite. Malgré un style pas
désagréable, il laisse un certain gout d'inachevé.
Roupoil, 24 janvier 2010.