Michael Hanake, vous connaissez ? Cet habitué de la
controverse réalise habituellement des films qu'on n'oublie pas rapidement
une fois qu'on a pointé son oeil dessus. J'avais déjà tenté une fois
l'expérience il y a maintenant quelques années avec La Pianiste,
voici que la sortie de son remake plan pour plan d'un de ses propres films
(curieuse idée, mais qui permet au moins de disposer d'un bon quota d'avis
sur le film avant même sa première projection !) me permet une nouvelle
tentative.
Les jeux dont il est question dans le titre n'ont en fait pas grand chose
de rigolo, puisque deux jeunes gens apparemment bien sous tout rapport
venus quémander quelques oeufs à une famille de bourgeois venus passer
quelques jours de vacances au bord d'un lac laissent rapidement pointer
leurs véritables intentions : séquestrer la petite famille et la
terroriser. Ils semblent prêts à tout.
C'est un film sur la violence, certes, mais ne vous attendez pas à voir
des gerbes d'hémoglobine, le but est avant tout de pousser le spectateur à
s'interroger sr sa position par rapport à ce qu'il voit. Les moments de
violence proprement dits sont systématiquement hors champ, Haneke
scrutant les réactions de ses personnages (les acteurs s'en sortent
honorablement dans des rôles pas faciles) comme pour nous dire "Et vous,
qu'auriez-vous fait ?". La première partie, censée faire monter
progressivement l'angoisse, est assez efficace et en même temps très
froide (une caractéristique de l'auteur). Je ne trouve pas personnellement
que le film soit traumatisant. Simplement vaguement malsain.
En fait, Haneke ne cherche pas à provoquer la réflexion de façon frontale
comme un Kubrick avec son Orange mécanique, il est plus sournois
que ça. Un premier aparté d'un des tueurs à la caméra l'annonçait, ça va
prendre forme dans la suite du film (attention, spoilers), il nous
manipule joyeusement et tient à ce qu'on le sache. Après avoir flingué les
codes du film d'horreur pendant une demi-heure où les tueurs ont disparu
sans crier gare (et alors, il ne se passe plus rien ? Et vous êtes déçus ?
Finalement, peut-être que vous ne vouliez pas que du bien pour les
gentils...), il plonge carrément dans le foutage de gueule assumé avec les
curieuses dernières scènes.
Celles-ci sont peut-être d'ailleurs à elles seules un résumé du film, qui
intrigue, fascine même, mais de façon détournée tant il est au premier
abord distant et même repoussant. Un film à voir, certainement, et à
ruminer. On est loin du cinéma spectacle, peut-être même trop pour que la
dénonciation marche pleinement, mais ça ne peut pas laisser totalement
indifférent.
Roupoil, 27 avril 2008.