Freddy, Frankenstein et maintenant Freaks, c'est bon le
nombre de films d'horreur qu'il peut y avoir commençant par Fr parmi mes
critiques ! Bon, ok, c'est tout naze comme intro, alors qu'il y aurait
tant à dire sur le film, qui choqua tellement à sa sortie qu'il fut
interdit dans certains pays pendant des décennies et qu'il précipita à peu
de choses la fin de carrière de son réalisateur, et qui ne fut redécouvert
que bien plus tard pour être élevé par certains admirateurs au rang de
film cultissime, et de porter donc aujourd'hui le toujours difficile
statut d'incontournable mal-aimé.
Comme son titre français, La Monstrueuse parade, l'indique un peu
trop, le film se déroule dans les coulisses d'un cirque employant nombre
de "monstres", des nains à la femme à barbe en passant par l'hermaphrodite
ou l'homme-tronc. Dans ce drôle de petit monde se déroulent des amours et
autres drames finalement bien semblables à ce qu'on voit partout ailleurs.
L'intrigue tourne principalement autour du nain Hans, qui délaisse sa
fiancée Frieda pour s'amouracher de la belle trapéziste Cléopatre. Mais
celle-ci ne voit en lui qu'un généreux donateur de cadeaux somptueux, et
se moque de lui dès qu'il a le dos tourné. Tout cela, on en a été prévenu
dès le début du film, ne finira pas bien.
Indiscutablement, Freaks est un film unique. Même si
l'observation de "monstres humains" fut un thème repris, bien plus tard,
notamment par David Lynch dans Elephant man, le film de Browning
est certainement un cas unique de film peuplé de monstres sans l'usage
d'un seul effet spécial. Mais pas de curiosité malsaine (pas une seule
fois on ne verra ces artistes de cirque en train d'exécuter leu numéro),
le fait de placer une intrigue finalement relativement banale (sombre
histoire de cupidité et de vengeance) dans ce milieu si particulier ne
sert en fait qu'à accentuer les émotions du spectateur.
Et ça fonctionne remarquablement bien ! Que ce soit l'humour, présent sous
la forme des nombreuses moqueries et autres blagues vachardes que se
balacent les artistes (quand on y pense, quel cynisme dans une réplique
comme "Elle aura de la barbe, comme sa maman" à la naissance de l'enfant
de la femme à barbe), le rejet de la différence (qui reste un thème majeur
du film, toujours aussi actuel d'ailleurs) à travers l'inoubliable scène
du mariage, l'horreur (après tout, le film est souvent catalogué film
d'horreur sans réelle justification puisqu'il n'y a aucun aspect
fantastique à ce qui se passe dans ce film) lors de la tout aussi
extraordinaire scène de l'orage, franchement flippante, ou tout simplement
l'émotion brute quand le châtelain français tombe sur les "enfants" en
balade, et que leur mère les prend sous sa protection.
Bien sûr, techniquement, on sent que le film n'est pas tout neuf, malgré
quelques beaux effets de réalisation (les acteurs ont un jeu assea
spécial, peut-être aussi parce qu'ils n'étaient pas vraiment
professionnels à l'origine, et le rythme de la narration n'est pas
toujours très convaincant), mais sur le fond, il reste, près de 80 ans
après sa réalisation, d'une impressionnante modernité. Pas étonnant
finalement qu'il n'ait pas été compris à l'époque, mais cette fable
cruelle et profonde est, sans aucun doute, un film à (re)découvrir
aujourd'hui, même pour ceux qui n'aiment pas les films de l'époque, car
voila peut-être un des rares films d'avant-guerre dont on ne puisse pas
dire qu'on ait fait un film similaire et aussi convaincant depuis.
Roupoil, 30 septembre 2008.