Freaks,

film de Tod Browning (1932)



Avis général : 8.5/10
:-) Perturbant, mais surtout prenant, émouvant, stressant, une formidable réflexion sur la différence dans un microcosme exacerbant les pires penchants de l'humanité.
:-( Le jeu des acteurs est un brin spécial, et le découpage en petites scènes un peu daté.

Freddy, Frankenstein et maintenant Freaks, c'est bon le nombre de films d'horreur qu'il peut y avoir commençant par Fr parmi mes critiques ! Bon, ok, c'est tout naze comme intro, alors qu'il y aurait tant à dire sur le film, qui choqua tellement à sa sortie qu'il fut interdit dans certains pays pendant des décennies et qu'il précipita à peu de choses la fin de carrière de son réalisateur, et qui ne fut redécouvert que bien plus tard pour être élevé par certains admirateurs au rang de film cultissime, et de porter donc aujourd'hui le toujours difficile statut d'incontournable mal-aimé.

Comme son titre français, La Monstrueuse parade, l'indique un peu trop, le film se déroule dans les coulisses d'un cirque employant nombre de "monstres", des nains à la femme à barbe en passant par l'hermaphrodite ou l'homme-tronc. Dans ce drôle de petit monde se déroulent des amours et autres drames finalement bien semblables à ce qu'on voit partout ailleurs. L'intrigue tourne principalement autour du nain Hans, qui délaisse sa fiancée Frieda pour s'amouracher de la belle trapéziste Cléopatre. Mais celle-ci ne voit en lui qu'un généreux donateur de cadeaux somptueux, et se moque de lui dès qu'il a le dos tourné. Tout cela, on en a été prévenu dès le début du film, ne finira pas bien.

Indiscutablement, Freaks est un film unique. Même si l'observation de "monstres humains" fut un thème repris, bien plus tard, notamment par David Lynch dans Elephant man, le film de Browning est certainement un cas unique de film peuplé de monstres sans l'usage d'un seul effet spécial. Mais pas de curiosité malsaine (pas une seule fois on ne verra ces artistes de cirque en train d'exécuter leu numéro), le fait de placer une intrigue finalement relativement banale (sombre histoire de cupidité et de vengeance) dans ce milieu si particulier ne sert en fait qu'à accentuer les émotions du spectateur.

Et ça fonctionne remarquablement bien ! Que ce soit l'humour, présent sous la forme des nombreuses moqueries et autres blagues vachardes que se balacent les artistes (quand on y pense, quel cynisme dans une réplique comme "Elle aura de la barbe, comme sa maman" à la naissance de l'enfant de la femme à barbe), le rejet de la différence (qui reste un thème majeur du film, toujours aussi actuel d'ailleurs) à travers l'inoubliable scène du mariage, l'horreur (après tout, le film est souvent catalogué film d'horreur sans réelle justification puisqu'il n'y a aucun aspect fantastique à ce qui se passe dans ce film) lors de la tout aussi extraordinaire scène de l'orage, franchement flippante, ou tout simplement l'émotion brute quand le châtelain français tombe sur les "enfants" en balade, et que leur mère les prend sous sa protection.

Bien sûr, techniquement, on sent que le film n'est pas tout neuf, malgré quelques beaux effets de réalisation (les acteurs ont un jeu assea spécial, peut-être aussi parce qu'ils n'étaient pas vraiment professionnels à l'origine, et le rythme de la narration n'est pas toujours très convaincant), mais sur le fond, il reste, près de 80 ans après sa réalisation, d'une impressionnante modernité. Pas étonnant finalement qu'il n'ait pas été compris à l'époque, mais cette fable cruelle et profonde est, sans aucun doute, un film à (re)découvrir aujourd'hui, même pour ceux qui n'aiment pas les films de l'époque, car voila peut-être un des rares films d'avant-guerre dont on ne puisse pas dire qu'on ait fait un film similaire et aussi convaincant depuis.

Roupoil, 30 septembre 2008.



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