Maintenant que je me suis réconcilié avec Hitchcock (cf
ma critique de Psychose), je vais peut-être pouvoir aligner ses
nomvreux classiques que je n'ai pas vus. Première séance de rattrapage
donc, avec peut-être le plus hitchockien de tous. Pourquoi ? Parce quand
même, c'est un peu du foutage de gueule de décider de faire un film où la
caméra ne bouge pas de la chambre du personnage principal, cloué sur son
fauteuil en permanence. Seul sir Alfred pouvait relever un défi pareil, et
sans surprise, il assume entièrement l"exercice de style.
Jeff Jeffries, photographe de profession, est donc enfermé pour encore une
semaine dans sa chambre surchauffée (il fait apparemment à peu de choses
près le même temps qu'à Paris en ce moment), avec pour seules visites
celles de son infirmière et de sa petite amie (ceci dit, il est pas trop à
plaindre, l'infirmière a une sacrée répartie et la copine est Grace
Kelly) et pour occupation principale le coup d'oeil à travers la fenêtre.
Ca reste gentiment indiscret, jusau'au jour où il soupçonne un de ses
voisins d'avoir tué sa femme.
Quand même, il faut bien le dire, le concept est génial dans son
absurdité, et l'analyse du mode de vie américain de l'époque très acérée.
Uniquement à travers le ballet muet des voisins commenté par Jeffries et
ses femmes, Hitchcock réussit à nous faire vivre le quotidien de ces gens
ordinaires (enfin, presque tous) sans que ça devienne lassant. Bien sûr,
une partie du temps est passée chez Jeffries lui-même, et là ce sont les
dialogues percutants (avec un humour jamais gratuit) qui emportent la mise
avec brio.
Assez curieusement, là où le bât blesse, c'est quand une intrigue
policière se dessine. Evidemment, l'intérêt du film aurait eu du mal à se
maintenir sur la durée sans cet artifice, mais malheureusement, celui-ci
n'arrange pas tellement les choses. Hitchcock essaie bien de jouer sur le
suspense (coupable ou pas ?), mais en résulte simplement une enquête assez
décousue, où la plupart des éléments sont utilisés dans un sens ou dans
l'autre sans grande rigueur, et où on finit par se désintéresser du fin
mot de l'histoire. C'est un peu malheureux pour le maître du suspense...
On peut toujours s'amuser à voir Jeffries gérer son enquête à (faible)
distance et les acteurs, tous très bons, sauver le film, mais le meilleur
en réside sûrement dans les scènes du début entre Stewart et Kelly.
Finalement, Hitchcock a réussi à faire de son concept casse-gueule un vrai
film, mais pas le chef-d'eouvre que beaucoup y voient.
Roupoil, 26 juillet 2006.