Je me plaignais lors de ma précédente critique Almodovarienne d'avoir du
retard à rattraper sur les jeunes heures du cinéaste espagnol contemporain
le plus reconnu ; eh bien, le hasard a voulu que j'en rattrape une partie
lors d'une soirée pique-nique, transformée en matage de DVD suite à la
mauvaise humeur du ciel parisien. Avec ce film, Pedro n'en est plus
vraiment à ses débuts, mais ça a tout de même près de vingt ans...
Ca se passe en Espagne, comme d'habitude, et comme le titre l'indique, il
s'agit surtout de femmes, bref rien d'inhabituel chez Almodovar. Le
personnage principal est Pepa, en pleine crise suite à sa séparation avec
Ivan. Ledit Ivan qui est au centre d'un imbroglio sentimental assez
obscur, bien qu'on ne le voie jamais à l'écran. Seront mêlés dans les
rocambolesques aventures de Pepa la femme d'Ivan, un peu timbrée, son
fils larguée et sa copine ronchonne, sa maîtresse avocate féministe, une
amie de Pepa planquée suite à ses aventures avec des terroristes chiites,
et encore un chauffeur de taxi décoloré fan de mambo et une ou deux
poules. Sans parler d'un gaspacho somnifère.
Pour peu qu'on apprécie l'univers d'Almodovar, on se sent tout à fait chez
soi dans ce bazar un peu foutraque. C'est peut-être même, parmi toutes ses
oeuvres que j'ai pu voir, la plus représentative de son style :
personnages aux frontières du réel, mais attachants et campés par des
acteurs (et surtout des actrices, mais une petite mention pour Banderas en
minet à lunettes) formidables, un humour décalé qui fonctionne (quelques
répliques mythiques, notamment la dernière, vraiment sortie de nulle
part), des situations invraisemblables qui s'enchainent superbement, et
une caméra qui au milieu de ce bordel traque le détail avec une précision
surprenante.
Tout cela s'agence parfaitement pour donner une comédie inclassable,
pleine de rythme et d'idées et, cerise sur le gâteau pour moi, ponctuée
d'extraits de Rimsky-Korsakov, le bonheur. Un bémol ? Oui, et de taille !
Le film manque tout simplement, cruellement, de profondeur. L'intrigue, si
on se penche dessus, est bien mince, et les personnages ne sont pas du
tout creusés (on pourrait croire au début du film à un traitement spécial
pour Pepa, mais on est detrompés par la suite). Almodovar s'est juste
réapproprié les codes du vaudeville, en s'amusant comme un petit fou. Coup
de chance, c'est très contagieux. Mais ça n'ira pas plus loin.
Roupoil, 5 août 2006.