Je l'avais dit il y a maintenant plus de trois ans,
après avoir vu History of violence, Cronenberg fait partie des
réalisateurs dont il faut que j'explore la filmographie. Voila enfin un
petit bout de chemin de parcouru, avec ce film de la fin des années 80,
époque où Cronenberg démarrait un virage en douceur (enfin, façon de
parler) pour passer du statut de réalisateur spécialisé dans les films
d'horreurs bien glauques (son film précédent était La Mouche) à
celui d'un auteur qui compte tout simplement dans un cinéma certes pas
grand public, mais pas non plus réservé aux amateurs de séries B bien
foutues. Ceci dit, c'est avec ce film qu'il finit par obtenir par exemple
le Grand Prix du festival d'Avoriaz, preuve qu'on reste dans le style
fantastique.
Il nous narre ici l'histoire de deux vrais jumeaux très proches l'un de
l'autre, au point de faire le même métier (gynécologues), de vivre dans le
même appartement, et même de se faire passer l'un pour l'autre au besoin,
y compris dans des buts peu avouables, par exemple mettre dans leur lit
certaines de leurs patientes. Pourtant, Beverly et Elliot n'ont pas du
tout la même personnalité, l'un sûr de lui, dragueur et ambitieux, l'autre
réservé, besogneux et fragile. C'est donc va s'apercevoir une de leurs
conquêtes, qui s'attache à l'un des deux jumeaux. Pour la première fois
peut-être de leur vie, les frères Mantle sont tentés de suivre des voies
différentes.
Je parlais de genres plus haut, et finalement, après avoir vu le film, je
pense que cette histoire de genres est très importante pour juger ce film.
Est-il vraiment fantastique comme il cherche à le faire croire ? Ce qui
est sûr, c'est que ceux qui cherchent le spectaculaire effrayant en seront
pour leurs frais. Même si l'ambiance est globalement pesante (notamment
grace à l'apport intéressant de la musique de Shore, et à l'esthétique
troublante des scènes de chirurgie), très peu de scènes choc sont au menu
de ce qui est au fond plus un film psychologique qu'autre chose.
D'ailleurs, pendant une bonne partie de l'oeuvre, l'aspect fantastique
(qui existe malgré tout) n'est absolument pas présent, Cronenberg se
concentrant sur une fascinante étude des déviations que peut engendrer la
gémellité. Pour tenir en haleine le spectateur dans cette première partie
finalement assez calme, il fallait bien une construction solide du récit
et un acteur capable d'entretenir la confusion entre les deux personnages
tout en faisant apparaitre leurs différences. De ce point de vue c'est une
réussite magistrale : on est d'abord perdus (qui est qui ?), puis fascinés
par ce concept de "personnage deux en un".
Et puis, au bout d'un moment, on a comme l'impression que Cronenberg a eu
peur que le contenu ne soit pas suffisant s'il n'y ajoutait pas un peu de
piment. La descente aux enfers des jumeaux cède aux facilités d'histoires
de drogues puis d'une explication plus ou moins fumeuse, quand les plus
belles scènes sont souvent les plus simples, notamment quand Elliot fait
enfin preuve d'humanité au chevet de son frère souffrant. La fin, même si
elle est esthétiquement réussie, est presque décevante de ce point de vue,
cachant son vrai sujet derrière le clinquant du drame spectaculaire.
Finalement, Faux semblants a bel et bien les airs d'une oeuvre de
transition : s'appuyant sur une ambiance glauque, mais simplement pour
mieux filmer un drame, mais rattrapée in extremis par la tentation du
fantastique pur. Très intéressant, mais un peu hybride.
Roupoil, 24 janvier 2009.