Excalibur,

film de John Boorman (1981)



Avis général : 9/10
:-) Un monde fantastique extrêment convaincant et fascinant. La musique. La force de certaines scènes. Merlin, qui est quand même trop bon.
:-( Il faut adhérer à l'esthétique et au jeu des acteurs. À la limite du ridicule par moments.

Je vais me faire un petit peu plaisir avec cette critique d'un film que j'apprécie beaucoup, mais qui pourtant ne fera sûrement pas l'unanimité. Si vous pensez avoir tout vu dans la catégorie «  aventures médiévales » et s'il vous semble qu'il n'y a pas trente-six mille façons de traduire en images la légende arthurienne, venez donc partager la vision peu commune de John Boorman, c'est une expérience indiscutablement enrichissante.

Comme je ne connais pas par coeur les multiples versions littéraires de la légende, je ne vous dirai pas à quel point on peut considérer l'adaptation comme fidèle à l'une ou à l'autre, en tout cas, ça s'inspire de Malory et ça correspond plus à ce que l'honnête homme du vingt-et-unième siècle connait sur le Roi Arthur que le film du même nom (Roi Arthur, pas Excalibur) sorti l'an dernier et démoli sur cette même page par votre serviteur. On aura donc droit à un rapide (enfin, un peu plus de deux heures quand même, mais c'est dense) résumé comprenant tous les incontournables : Arthur retirant l'épée du rocher, Lancelot et Guenièvre, Perceval et le Graal, Morgane piégeant Merlin, etc...

Pour commencer, je ne peux pas être totalement objectif, un film qui commence sur fond de marche funèbre de Siegfried (pour ceux qui auraient l'outrecuidance de ne pas comprendre de quoi je parle, il s'agit de la plus belle page musicale jamais écrite par Richard Wagner) ne peut être mauvais... Blague à part, ce qui surprend dès les premières minutes de ce film, c'est que Boorman, loin de se contenter de faire une belle adaptation en se laissant porter par la solidité du sujet (je pense notamment à une certaine trilogie inspirée d'un best-seller de Tolkien quand je dis ça :-) ), a insufflé une âme à son film. Déjà, la musique, puisque j'ai commencé par là. Ça peut paraître facile d'en recourir à la Tétralogie et à Carmina Burana pour accentuer les scènes grandioses, mais quand c'est utilisé aussi parcimonieusement et intelligemment qu'ici (car il n'y a pas que ça comme musique dans le film), c'est d'une efficacité redoutable.

Ensuite, les images. Je ne sais pas trop comment expliquer ça, mais ça ne ressemble pas aux autres films sur le sujet. Cadrages souvent très serrés (pas un seul plan large sur une plaine pendant les batailles), un mélange de réalisme (pas de batailles entre armées gigantesques) et de violence d'un côté, et de magie de l'autre qui donne au film un aspect oppressant et fantastique vraiment prenant. Bien sûr, les grincheux diront que c'est parfois trop et que le film a mal vieilli. Certes, les effets spéciaux sont assez bizarres par moments (mais il y en a assez peu...) et il faut avoir le coeur bien accroché pour laisser passer le ralenti sur le vol d'Excalibur sur fond de soleil couchant rouge pétant dans la scène finale. Mais bien que souvent à la limite extrême du ridicule, ça passe. Et ça donne un nombre de scènes d'anthologie rarement égalé au cinéma (le scénario amène forcément un certain hachage dans la mesure où il n'y a pas vraiment le temps de faire beaucoup plus qu'aligner les moments forts de la légende, et pourtant le film garde une unité et une fluidité impressionnante).

Au niveau des acteurs, mêmes remarques. Leur jeu est souvent hautement non conventionnel, mais à mon goût parfaitement adapté. Merlin en est le meilleur exemple : il passe son temps à surjouer en déclamant des phrases sybillines avec un air inquiétant, je comprends parfaitement qu'on trouve ça grotesque, mais je pense au contraire que ça fait partie du charme de ce film.

Vous l'aurez compris, il faut adhérer à l'esthétique de cet Excalibur pour pouvoir l'apprécier pleinement, mais pour peu que ce soit le cas, vous le considérerez rapidement comme le classique incontournable sur la légende du Roi Arthur (avec Sacré Graal, naturellement, que l'on est d'ailleurs très tenté de prendre pour une caricature du film de Boorman quand on visionne ce dernier ; mais comme il est sorti quelques années avant, sauf pouvoir caché des Monty Python...).

Roupoil, 9 mars 2005



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