La palme du titre le plus long de l'année reviendra
peut-être à Michel Gondry, mais bon, ce n'est pas pour cela que je suis
allé voir ce film. Pour ne pas le cacher, j'y suis allé essentiellement à
la vue d'un nom au générique, celui de Charlie Kauffman. Au moins, avec ce
zigoto-là, on est sûr ne pas être déçu par une histoire déjà vue cent fois
ailleurs. Et de fait...
Joel, gentil américain moyen qui ressemble à un ado attardé (normal, c'est
Jim Carrey ;-) ), se réveille au matin de la St-Valentin l'air un peu
patraque. Forcément, il vient de rompre avec sa copine. Sur le chemin du
boulot, il décide soudain de se jetter dans le premier train venu, et
rencontre sur une plage déserte une jeune femme aussi surprenante que ses
cheveux « Bleu Ruine ». D'autant plus étrange qu'il s'agit en fait de la
copine qui l'a largué trois jours avant puis l'a effacé de sa mémoire
grâce à une technique révolutionnaire, avant qu'il ne décide lui-même d'en
faire autant.
Un peu abracadabrant comme point de départ, mais à l'écran, ça passe très
bien. Gondry ne cherche pas du tout à tirer son film vers la
science-fiction, au contraire, ces histoires d'effacement de mémoire ne
sont que le prétexte à un long flash-back déroulant l'histoire de Joel et
Clementine à reculons, en s'attardant sur les moments les plus forts de
leur relation.
Justement, et pour commencer par les défauts, puisque l'aspect délirant du
scénario n'est pas le principal attrait du film, il aurait peut-être été
préférable de ne pas mettre ces petits effets visuels et ne pas insister à
la fin de chaque souvenir sur la disparition progressive de la mémoire.
Dans tout ce qui ressemble ensuite à une course-poursuite, rien n'est plus
réussi que les moments les plus simples, comme la scène où Jim Carrey et
Kate Winslet (tous les deux en grande forme, que ceux qui croient Carrey
incapable de faire autre chose que des grimaces aillent voir ce film, ils
vont changer d'avis) sont allongés sur la glace à regarder les étoiles.
Mais on a l'impression que Gondry ne peut pas se contenter d'illustrer
simplement cette belle histoire d'amour. Il s'agite pas mal, diversifie
autant qu'il peut, et fait d'ailleurs parfois mouche (les scènes où Joel
remonte à sa petite enfance sont assez hilarantes). Mais du coup, on
se disperse un peu, et le film y perd en force émotionnelle.
Autre point noir à mon avis, les singeries en parallèle des
pseudos-scientifiques qui traitent Joel. D'une part, ils sont totalement
caricaturaux, mais surtout on se fiche pas mal de leur vie, qui certes
influence fortement le scénario, mais ne l'enrichit pas du tout. Plutôt
que de me farcir Kirsten Dunst draguant lourdement son patron (il a bien
de la chance, à son âge, ceci dit), j'aurais préféré que la fin soit
laissée ouverte, avec un effacement réussi des deux côtés et une sorte de
seconde chance laissée au couple. Enfin bon, je ne suis pas scénariste à
Hollywood, et pour une fois que l'histoire n'est pas convenue, je ne vais
pas trop me plaindre non plus.
Mais tout de même, je reste un peu frustré. On a là un beau film, une
bonne histoire, de bons acteurs, tout ce qu'il faut pour être
enthousiaste, et pourtant, on ne l'est pas. La faute à des détails
peut-être, mais qui suffisent à me faire penser que, pour sympathique
qu'il soit, ce film n'est encore qu'un brouillon audacieux des futurs
grands films que nous réserve Gondry.
Roupoil, 7 novembre 2004