Steven Soderbergh est un excellent exemple de la
fabuleuse capacité de récupération de talents du système hollywoodien :
repéré avec une palme d'or pour un film pas franchement grand public
(Sexe, mensonges et video), réalisateur ensuite d'oeuvres
carrément expérimentales pendant quelques années, il se retrouve vingt ans
plus tard à réaliser du nanar à la chaine avec plein de stars à l'affiche
(la série des Ocean's). Entre temps, il a joué dans la catégorie
film hollywoodien sérieux (aussi appelé film à oscars), notamment avec
cette biographie romancée avec Julia Roberts en tête d'affiche.
Erin Brockovich, c'est un femme qui ne s'en laisse pas compter. Vivant
seule avec ses deux enfants et sans boulot, elle se fait en plus emboutir
par un chauffard, puis perd le procès qui s'en suit après avoir insulté le
jury en pleine audiance. Qu'à cela ne tienne, elle fait le forcing auprès
de son avocat pour qu'il lui file un boulot. Une fois installée (incrustée
?) dans son cabinet, elle se lance dans l'approfondissement d'un sombre
dossier de pollution d'eau au chrome dont la liste de victimes va
s'allonger de jour en jour.
Ce film est inspiré d'une histoire vraie, gnagnagna, y a même la vrai Erin
qui joue dans le film, on vous dit pas à quel point on se fout pas de la
gueule du monde. Je ne suis pas trop fan en général de ce genre de projet,
et qui plus est je n'aime pas Julia Roberts, ça paraissait mal parti. Et
pourtant. Commençons par corriger le tir en ce qui concerne l'actrice
principale : elle est tout à fait à la hauteur, et porte même son rôle
pendant tout le film de façon assez impressionnante. Il faut dire que le
personnage a du caractère et un sacré sens de la répartie. Quelques
répliques sont d'ailleurs suffisamment énormes pour provoquer une bonne
grosse explosion de rire, mais si on était mesquins, on dirait bien que
c'est un peu trop bien placé pour être aussi authentique que ce que le
film ne veut bien le prétendre.
C'est d'ailleurs sûrement le principal défaut du film : lisser au maximum
cette histoire pour en faire un authentique ... film hollywoodien. Certes,
on ne va pas reprocher à Soderbergh de filmer avec classe (tiens, on
n'aurait pas vu le même genre de couleurs dans son Traffic,
d'ailleurs ?), mais le tout est un peu trop léché pour vraiment prendre
aux tripes. Dans le genre, le personnage du boyfriend d'Erin est beaucoup
trop caricatural pour justifier les incursions fréquentes et assez
insipides dans la sphère de la vie privée.
En fait, eu lieu d'une charge violente et acide (qui est là sur le fond,
mais pas du tout dans la forme), Soderbergh a réalisé un joli playdoyer un
poil mou du genou. Ca reste tout à fait regardable (encore une fois, c'est
techniquement très maitrisé), mais il y aurait sûrement eu moyen sur le
même sujet de faire un film plus tranchant.
Roupoil, 20 janvier 2008