Entre les murs,

film de Laurent Cantet (2008)



Avis général : 7/10
:-) L'aspect documentaire très réussi. Un film qui pose plein de questions intéressantes.
:-( Le basculement docu/fiction ne passe pas super bien. J'aurais aimé que Cantet s'attarde un peu plus sur certains points.

Un quasi documentaire en tête du box-office français, devant la machine à ramener du public de Christophe Barratier, qui l'eut cru ? Indiscutablement, l'effet Palme d'or a eu lieu, propulsant le jusque-là peu connu Laurent Cantet en tête d'affiche. Evidemment, en bon struteur attentif de tout de ce qui sort sur les ércns, j'avais déjà entendu parler du bonhomme, mais j'avoue que jusque-là je me disais que ses films étaient sûrement très intéressants, mais qu'il était assez peu probable qu'il ait l'honneur de m'avoir pour spectateur un jour, vu que je suis assez peu intéressé par le documentaire social habituellement. Et puis paf, sans parler des récompenses, il s'attaque à un sujet qui me force plus ou moins à aller voir ce qu'il en a à dire : l'Ecole. Et c'est donc avec le statut un peu particulier de celui qui connait bien les coulisses de ce qui va nous être présenté que je suis allé rejoindre le nombreux public l'autre soir.

C'est la rentrée, donc, dans un collège comme tant d'autres, à Paris. Après avoir découvert les nouveaux collègues, François, professeur de français, découvre la classe de quatrième dont il est prof principal. On va le suivre avec ces élèves tout au cours de l'année, et plus précisément lors des séances les plus fortes, celles qui provoquent les discussions, les confrontations, voire les incidents, bref celles qui font vivre la classe.

Difficile finalement de donner son avis sur un film qui traine d'un boulot dans lequel on est immergé au quotidien... Je vais commencer donc par le plus facile, l'aspect technique : rien de très intéressant de ce point de vue, mais le parti pris de Cantet est visiblement de nous immerger au maximum dans la classe, à grand recours de plan serrés. Ca marche assez bien, et ce d'autant plus que le film a indéniablement pour lui la force du réalisme. La première demi-heure, qui, bien que déjà fictionnelle, reste entièrement concentrée sur son rôle documentaire, est impeccable. Pour ceux qui en douteraient, je peux confirmer : ça se passe comme ça à l'Education Nationale, y compris les râleries des profs concernant l'augmentation du prix du café.

Pour ce qui se passe dans la classe proprement dite, j'ai pu lire un certain nombre de critiques qui remettaient fortement en question le fait qu'il puisse y avoir dans une classe des échanges tels que ceux du film. Je crois qu'il y a des gens qui devraient sortir plus souvent de chez eux, et le film étant de toute façon directement inspiré de la propre expérience de Bégaudeau (d'ailleurs assez convaincant en tant qu'acteur !), difficile de nier la crédibilité des faits, qui est à mon avis totale. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher d'ajouter que le film ne décrit pas un collège spécialement difficile, de ceux où une dizaine de profs par an finissent en arrêt maladie pour dépression.

Mais bref, revenons au film. La scène clé où Souleymane pète un cable, malgré ce réalisme, m'a semblé un peu trop scénarisée, comme si on ressentait que tout à coup le film passait d'une approche purement documentaire à une autre clairement scénarisée pour nous amener à nous poser quelques questions sur le rôle et les responsabilités du prof. Ceci dit, lesdites questions sont abordées de manière très intéressante, le film montrant fort bien les questions que peut se poser un prof sur les répercussions de ses agissements en dehors du lycée, le côté complètement hypocrite des conseils de discipline (où l'équipe pédagogique fait bloc après s'être déchirée en interne), ou encore le sentiment d'impuissance et le peu de conviction mis dans les paroles faussement rassurantes face à une élève qui avoue n'avoir rien appris. Cette scène est d'ailleurs à mon sens l'une des plus fortes du film, et me fait un peu regretter que Cantet ne se soit pas un peu plus penché sur ces histoires d'orientation qui constituent peut-être la plus grosse plaie de notre système éducatif à l'heure actuel. Il a préféré privilégier le thème ô combien actuel de la gestion de l'immigration à travers l'Ecole, ce qui certes également intéressant mais peut-être un peu trop facilement provocateur.

Enfin, je suis encore en train d'analyser au travers de mon expérience hautement personnelle, mais que ce soit pour découvrir le monde de l'enseignement (ce qui ne fera pas de mal à personne) ou pour voir ce que ce film définitivement bien renseigné a à en dire, ça vaut le coup d'oeil. Au pire, il y a aura toujours les moments de rigolade provoqués par les réparties inattendues des élèves, et suffisamment d'action pour ne pas s'ennuyer une seconde.

Roupoil, 4 octobre 2008



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