Elephant,

film de Gus van Sant (2003)



Avis général : 2/10
Pourcentage gozu : 2%
:-) Le caractère fortement esthétisant de l'oeuvre n'empêche pas une certaine beauté formelle la plupart du temps.
:-( Un bel écrin pour un film totalement vide de contenu.

Bon, commençons par préciser que la note est certes sévère mais est plus une sanction envers un film présenté par beaucoup de gens comme un chef-d'oeuvre alors qu'il ne le mérite à mon avis absolument pas, que comme un jugement objectif que, je l'avoue, j'aurais bien du mal à faire sur un tel film. Ne vous inquiétez pas, je vais expliquer dans la suite ce que j'entends par là. En tout cas, ce qui est certain, c'est que je n'ai pas aimé cet Elephant.

Rappelons le concept du film (on ne peut pas vraiment parler de scénario)  : Van Sant nous propose simplement de suivre à travers quelques adolescents dans leurs déambulations quotidiennes à travers leur établissement scolaire. Bien sûr, il ne s'agit pas tout à fait de n'importe quel établissement, ni d'un jour ordinaire, puisque le film se conclut par un massacre perpetré par deux lycéens (en l'occurence celui de Columbine également cible du documentaire de Michaël Moore Bowling for Columbine ; de toute façon, je crois qu'heureusement, celui-ci n'a pas fait d'émules à ce jour). Il ne s'agit absolument pas d'un documentaire, simplement de la mise en scène stylisée de quelques moments anodins de la vie de ces jeunes avant le drame.

Mettons tout de suite les choses au point : les raisons qui ont poussé les meurtiers, je n'en ai rien à foutre. Enfin, non, ce n'est même pas ça, mais en tout cas je ne venais certainement pas pour voir un film explicatif (j'irais jusqu'à dire que je ne vois pas très bien en quoi un tel acte a besoin d'explication, et comme je suis en forme, je vais même pousser jusqu'à prétendre que je peux comprendre les motivations de ces deux lycéens : quand on est un ado qui se cherche une personnalité, qu'on est un peu rejeté par les autres (le film ne dit pas grand chose là-dessus, mais au moins quand l'un des deux dit sous la douche "Je n'ai jamais embrassé", on peut supposer qu'il n'a pas un succès foudroyant auprès des filles :-) ), on se réfugie souvent dans un imaginaire peuplé de super-héros ou au moins de gens qui font toutes sortes de choses autrement plus passionnantes que le quotidien d'un gamin de 15 ans (je fais rentrer là-dedans par exemple les jeux video où on shoote sur tout ce qui bouge, qui à défaut d'être subtils, procurent une dose d'adrénaline appréciable à beaucoup de gens) ; est-il si si inimaginable que certains décident un jour que, plutôt que de continuer à s'embêter, ils préférent tenter une expérience grandeur nature de défoulement ? Bien sûr, la plupart sauront résister à ces pulsions (heureusement), mais un fait divers comme celui de Columbine ne justifie pas une analyse psychologique extrêmement poussée des coupables ; enfin bref, j'espère ne pas avoir trop choqué mes lecteurs, j'ai des théories un peu extrêmes parfois :-) ).

Bon, où en étais-je ? Ah oui, le film n'est pas a priori explicatif, et c'est très bien. Ceci dit, je me permets une petite interrogation à ce sujet : le film est censé ne rien expliquer, mais là où on voit la plupart des protagonistes dans des activités totalement anodines (prendre des photos, ranger des bouquins à la bibliothèque), les meurtriers sont présentés en train d'acheter des flingues sur Internet, de regarder des documentaires sur le nazisme, ou de jouer à des jeux video pour le moins douteux (franchement, ils ont été le chercher où, le jeu en question, ce n'est pas crédible tellement ce qu'on en voit est caricatural). Et ça devient carrément douteux quand on les voit de rouler une pelle sous la douche. Enfin bref, la neutralité du réalisateur me semble pour le mois discutable, mais je veux passer outre puisqu'il case au milieu de tout ça un peu de Beethov.

Pour le reste, que dire ? Ben pas grand chose, on a droit à des plans de ciel bleu et de T-shirts à répétition, et à des scènes d'un intérêt à peu près nul. Les lycéens que Van Sant a décidé de suivre vaquent à leurs occupations habituelles, c'est-à-dire, comme n'importe quel ancien lycéen le sait bien, rien de passionnant. Un bon point assez surprenant, c'est qu'on ne s'ennuie pas. La réalisation maniérée (non mais franchement, ces ralentis grotesques à deux ou trois moments, n'allez pas me dire que c'est ça qui vaut un Prix de la mise en scène à Cannes ?) n'empêche pas une certaine beauté des images qui suffit à maintenir le spectateur en éveil Mais à part ça... Le quotidien d'un gamin de 15 ans, on sait ce que c'est, pas la peine de nous infliger des banalités pendant une heure pour nous le faire ressentir. D'autant plus, et là c'est plus gênant, que le film ne véhicule aucune émotion. C'est tout simplement banal. Van Sant a beau nous sortir la sonate "Clair de Lune" à un moment (ah, ça, c'est toujours efficace), ça ne suffit pas à rendre une scène à la base sans intérêt poignante.

Le pire est toutefois à venir avec la conclusion. On pourrait espérer que le film prenne tout son sens au moment de la fusillade, mais non, le peu qu'on commence à ressentir est immédiatement annihilé par le comportement absurde des protagonistes ("Oh, il s'est fait tirer dessus ! Alors, les enfants, on va tous sortir calmement par la fenêtre, d'accord ?"). Je ne sais pas si c'est censé être réaliste, mais même si c'est le cas, je n'en ai rien à foutre : Loft Story dans un film art et essai, ça ne le fait pas du tout.

Au final donc, un bel écrin totalement vide. Je ne sais pas exactement ce que Gus Van Sant a voulu faire passer avec ce film, mais il y avait manifestement une forte barrière isolante entre l'écran et moi. Je me demande toujours à quoi rime exactement de film, j'ai l'impression que je n'aurais rien perdu à faire une sieste d'une heure et demie plutôt que d'aller le voir. Quitte à faire de l'artistique sur du trivial à caractère morbide, je propose le projet suivant : une visite filmée des bureaux du World Trade Center le matin du 11 septembre, sans le son, avec le Requiem de Mozart en fond. Et à la fin, juste le crash (sonorisé, bien sûr) des avions. Nul doute qu'on me décernera un Oscar du mauvais goût. Gus Van Sant, lui, a obtenu la Palme d'Or. On se demande bien pourquoi.

Roupoil, 16 août 2004



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