Une fois n'est pas coutume, commençons cette critique par
une râlerie en règle. Pourtant, l'occasion était plutôt propice aux
réjouissances, puisqu'en ce jour inaugural de Fête du Cinéma, ce mirifique
site web fête son cinquième anniversaire. Mais seulement voila, ladite
Fête du Cinéma, de vingt ans plus vieille que ma page web, a aussi décidé
de célébrer à sa façon, à savoir en devenant encore un peu plus la Fête du
fric. "Deux fois plus long", clament les affiches. Deux fois plus cher,
observent les moins pigeons d'entre nous. Autant dire que cette année, la
Fête a perdu toute son âme, et donc son charme. Où est passé le plaisir
d'enchainer quinze séances en trois jours, en courant d'un cinéma à
l'autre au fil de séances casées au millimètre, en réservant les films
d'auteur les plus difficiles d'accès aux séances matinales pour ne pas
s'endormir devant après dix heures passées devant les écrans ? Bref, j'ai
longuement hésité, cette année, à boycotter purement et simplement la
manifestation, ce que je ferai sans remords l'an prochain, quand la durée
sera revenue à trois jours mais que les tarifs resteront les mêmes que
cette année (on la sent tellement venir à cent kilomètres, cette arnaque
grossière, qu'on serait presque déçus si on n'y avait pas droit).
Bref, trève de bavardages au menu de jour, un James Bond, un vrai, le
premier de tous, sur grand écran et ... dans une VF assez immonde (comment
ai-je fait pour ne pas faire attention à ça ?), ce qui rajoute encore un
peu au côté kitschouille de la chose. Bond, James Bond, donc, est envoyé
par son pays enquêter en Jamaïque sur une sombre histoire de brouillage de
missiles. Il y croise des joies filles (normal), des gens qui veulent le
tuer (normal aussi) et finit par diriger son enquête vers le grand méchant
Docteur No, qui, vous l'aurez compris avec un nom pareil, est un sale
traitre jaune. Parce que quand même, il y a de la politique là-dessous,
avec des gentils grands-bretons et ricains, et des méchants ... euh, ben
tous les autres sont méchants non ?
Je parlais de kitsch tout à l'heure, mais tout bien considéré, je ne suis
pas sûr que ce soit le mot qui convienne. En fait, ce premier opus des
aventures du plus célèbre des agents secrets est plutôt "cheap". Tous les
éléments de la mytholodie bongienne sont déjà là : la classe très british
du héros, son caractère d'irréductible séducteur, le mélange d'action et
d'humour, et même les vodka-martini. Mais tout est en mode "pauvre" : le
scénario est hyper linéaire, truffé d'incohérence et d'invraisemblances et
illustré avec assez peu de rythme, les dialogues ne vont pas chercher très
loin (malgré quelques répliques savoureuses), et les scènes d'action sont
à la limite du pitoyable (les gadgets ne sont pas encore là, et les
quelques poursuites font peur). Même une scène mythique comme l'arrivée
d'Ursula Andress (très belle, mais franchement bof en tant qu'actrice) en
bikini sur la plage prête un peu à sourire.
Finalement, on se demande un peu comment cette première tentative,
objectivement assez médiocre, a réussi à lancer la carrière de Bond au
cinéma, dans la mesure où l'essentiel de son intérêt, quelque cinquante
ans après sa sortie, est d'y voir les prémisses de ce que deviendra la
saga par la suite. Sans vouloir faire l'apologie du cinéma clinquant comme
Hollywood a pu en faire sans interruption depuis un bon moment maintenant,
cette vieillerie manque cruellement de contenu.
Roupoil, 27 juin 2009.