Je ne vais pas commencer cette critique en prétendant
que tout nouveau film de Gilliam est un événement, d'une part parce que
j'ai déjà fait le coup la dernière fois que je suis allé en voir un au
ciné (les Frères Grimm, déjà avec Ledger en tête d'affiche),
mais surtout parce qu'il faut bien admettre que le bon vieux Terry n'a
plus tout à fait l'aura qu'il avait pu conquérir lors des décennies
précédentes avec notamment ses oeuvres de science-fiction barrées
devenues cultes pour nombre d'entre nous. Si celle-ci a eu une publicité
inespérée, c'est via le décès de son acteur principal en plein tournage
(péripétie presque banale pour un tournage de Gilliam), remplacé par pas
moins de trois stars pour les scènes inachevées. Bon, soit, mais cette
curiosité mise à part, il vaut quoi le film ?
L'imaginarium du titre, c'est la drôle d'attraction foraine que trimbale
un très vieil homme, accompagné de sa fille, d'un nain et d'un jeune
homme un poil simplet, pour tenter de gagner sa vie en faisant visiter
son imaginaire aux passants. Ca ressemble fort à une arnaque totale,
mais il n'en est rien : le docteur Parnassus a réellement plus de mille
ans, et cela fait une éternité qu'il fait des paris avec le diable en
personne. Pour sauver sa fille, il doit sauver cinq âmes avant deux
jours. La cause semble désespérée, jusqu'à l'arrivée d'un très
mystérieux pendu...
Tout cela vous semble un brin bzarre ? Ne vous inquiétez pas, c'est
normal. Ou plutôt si, inquiétez-vous un peu, car si vous êtes amateur de
narration claire et de scènes faciles à suivre, le début du film risque
franchement de vous rebuter. J'ai d'ailleurs moi-même eu bien du mal à
me mettre dans le truc, tellement ça part dans tous les sens, y compris
au niveau de la caméra. Heureusement, ça finit par se stabiliser un
brin, et si les tenants et aboutissants de l'intrigue restent assez
mystérieux (on a l'impression que Gilliam a voulu caser plein de trucs
dans son scénario, y compris quelques critiques bizarres de notre
société, mais sans prendre la peine d'en faire un tout cohérent ; on est
à des années-lumière de la magistrale construction de l'Armée des
douze singes), on arrive au moins à suivre ce qui se passe.
On peut alors profiter pleinement du principal atout du film :
l'imaginarium toujours débordant de l'ancien Monty Python, qui semble
prendre un malin plaisir lors des scènes se passant dans l'imaginaire du
docteur à parsemer ses mondes farfelus de références aux drôles de
machines qu'il faisait se balader dans les sketchs de ses comparses il y
a près de quarante ans, mais en les nappant de la technologie la plus
moderne qui soit en terme d'effets spéciaux. Ce mélange de nostalgie et
de trop-plein de technique (les couleurs font presque mal aux yeux)
aboutit à un résultat curieusement attachant, et on finit par se
surprendre tout simplement à admirer le tour de force visuel sans trop
chercher à comprendre le fond.
Bien sûr, difficile de crier au chef-d'oeuvre dans ces conditions, mais
on ressort au moins de la salle en continuant à penser que Gilliam, ne
serait-ce que par sa capacité à réaliser des films différents de tout ce
qu'on peut voir par ailleurs au cinéma, mérite sa petite place
particulière dans notre coeur de cinéphile. On aurait quand même aimé en
savoir un peu plus sur ces histoires de choix et d'âmes qui parsèment le
film, et qu'on est forcé d'interpréter imparfaitement, faute de mieux.
Roupoil, 29 novembre 2009.