Vous ne vous en souvenez sûrement pas (dans le cas
contraire, je tire mon chapeau au lecteur très fidèle qui se cache
derrière votre écran), mais moi je n'ai pas oublié ce beau jour du
printemps 2005 où j'ai découvert un peu par hasard l'univers pour le moins
singulier de Bill Plympton à travers son long métrage d'animation
précédent, le décoiffant Hair High. Quand j'ai su qu'un nouveau
film réalisé par ce doux dingue allait sortir, je me suis donc préparé à
foncer dans la salle obscure la plus proche. Enfin, façon de parler, car
apparemment tout le monde n'a pas eu le même coup de coeur que moi, à en
croire la sortie très confidentielle (10 écrans sur tout le pays) de ce
nouvel opus. Je ne peux qu'encore plus vous encourager à foncer le voir
avant qu'il ne disparaisse complètement. Enfin, vous pouvez quand même
finir de lire la critique avant, ça peut toujours servir...
C'est l'histoire de Schblup (le film étant muet, il n'a pas vraiment de
nom), un monsieur assez ignoble qui a ses habitudes dans un petit bar, et
à qui, un beau jour, des ailes se mettent à pousser. des ailes genre
anges, qui essaient de faire le bien dès qu'elles peuvent. Figurez-vous
que ça ne lui plait pas du tout, à l'ami Schblup, qui essaie de s'en
débarasser par tous les moyens qu'il trouve. Mais les ailes sont du genre
collantes.
Même si la trame est assez limitée, tout comme le nombre de personnages,
c'est bien suffisant pour Plympton pour nous émerveiller une fois de plus
avec son imagination à toute épreuve, ses réjouissantes transitions, son
trait faussement brouillon, et bien sûr les violences physiques et autres
outrances qui parsèment le déroulement de sa fable. Pour celui qui aime
son style, pas de doute, le bonheur sera encore au rendez-vous.
Et pourtant, malgré leur indéniable "plymptonitude" commune, ce nouveau
film se détache nettement de Hair high, l'opus précédent du
cartoonist. Là où Hair high mettait le paquet niveau
spectaculaire, avec couleurs pétantes et voix célèbres à l'appui, Des
idiots et des anges revient à une économie de moyens manifeste avec
son ambiance très grisâtre, des décors assez limités et, surtout,
l'absence totale de dialogues. Eh oui, c'est bel et bien à un film muet (à
quelques grognements près) que nous convie Plympton. Exercice un brin
casse-gueule dans la mesure où le piège de la répétition et de la lenteur
n'est pas toujours totalement évité, mais qui est globalement fort bien
maitrisé (les attitudes des personnages étant souvent plus parlantes que
ne l'auraient été de longs discours), et permet par ailleurs d'admirer la
pertinence des choix musicaux de Plympton, tous excellents.
Plus froid donc, et peut-être de ce fait moins facile à apprécier que le
tonitruant Hair high (moins gore aussi, pour ceux que la
violence, même graphique, pourrait rebuter), le Plympton nouveau pourrait
presque faire office de retour au film d'auteur après une tentative de
blockbuster. L'un comme l'autre restent à mon avis des oeuvres très
intéressantes, à découvrir chez nous, où le grand dessinateur qu'est Bill
Plympton n'a pas encore trouvé la place qu'il mérite.
Roupoil, 18 janvier 2009.