Des hommes et des dieux,

film de Xavier Beauvois (2010)



Avis général : 7.5/10
:-) L'émotion intense qui jaillit lors de certaines scènes. De belles images.
:-( Les rares dialogues à l'extérieur du monastère sonnent faux. La lenteur et l'omniprésence de chants religieux peuvent rebuter.

Contrairement à l'année dernière, je n'ai pas cette année promis d'aller voir lors de leur sortie cinéma tous les sélectionnés de la dernière cuvée du festival de Cannes. D'ailleurs, la Palme d'Or elle-même (bien que choisie par ce cher Tim Burton) ne fait pas partie de ma liste de films à voir cet automne. Des hommes et des dieux, avec son titre évoquant l'essai philosophique et un thème qui ne m'inspirait pas outre mesure, a tout de même fini par rejoindre la tête de cette liste, il faut dire fort limitée par l'absence à peu près totale de sorties intéressantes. C'est donc quelque peu à reculons que je pars m'enfermer avec une petite dizaine de moines...

Le film de Xavier Beauvois (qui réalise relativement rarement mais se fait remarquer à peu près à chaque fois) se propose en effet de retracer les derniers mois de la vie des moines de Tibhirine, au coeur de l'Atlas algérien, assasinés dans des circonstances encore floues en 1996 après leur prise en otage par un groupe islamiste. Autant dire qu'il n'y a guère de suspense, on sait déjà comment tout cela va se finir. Le propos du film est plutôt de nous montrer les liens de ces moines avec la population environnante, et tenter de nous faire comprendre leur choix de s'installer à cet endroit, et surtout d'y rester malgré la menace évidente qui pèse sur eux (d'autres européens sont massacrés non loin du monastère en début de film).

La partie quasi documentaire sur la vie au monastère, c'est certain, en rebutera plus d'un. C'est lent, il ne se passe pas grand chose, et les nombreuses scènes de prière chantée ne seront pas du goût de tout le monde. N'étant moi-même pas franchement spectateur assidu du Jour du seigneur en temps normal, j'ai parfois trouvé le temps un peu long. Et pourtant, une fois qu'on a pris ce rythme un peu particulier, on comprend la logique de Beauvois et on y adhère complètement (enfin, moi du moins j'y adhère). On partage alors, d'une façon assez difficile à décrire, les doutes et les craintes de ces hommes isolés et conscients de se diriger tête baissée vers un martyre inutile.

Pire, on finit même par admettre leur point de vue ! Leur choix, ils l'ont déjà fait en venant s'installer dans ce monastère, plusieurs années (voire dizaines d'années pour certains) auparavant, et malgré les doutes initiaux, aucun ne reviendra sur ses pas. Le parcours de frère Christophe, à l'origine particulièrement peu convaincu de la nécessité de rester, est particulièrement bouleversant, et Beauvois saisit magnifiquement ses états d'âme. Ajoutez de très belles images (paysages notamment) et vous comprendrez que ce film a une atmosphère singulière mais extrêmement prenante.

Un petit bémol tout de même : autant les scènes se déroulant dans le monastère sont presque toutes réussies (même le dernier repas des moines sur fond de lac des cygnes, qui semble tendre la corde pour se pendre au crochet du ridicule, emporte la mise par l'intensité de ses gros plans), autant le reste est moins convaincant, voire même franchement artificiel, comme si les acteurs récitaient leur texte sans y croire (l'édile local tentant de convaincre les moines d'accepter une protection militaire est particulièrement mauvais). Gênant même si ça ne concerne qu'une minorité de scènes.

Il n'est bien évidemment pas obligatoire d'être féru de religion, ni même d'adhérer au choix de ces moines pour apprécier cette oeuvre tout simplement profondément humaine. Au moins, cette récompense cannoise était méritée...

Roupoil, 18 septembre 2010.



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