Contrairement à l'année dernière, je n'ai pas cette
année promis d'aller voir lors de leur sortie cinéma tous les
sélectionnés de la dernière cuvée du festival de Cannes. D'ailleurs, la
Palme d'Or elle-même (bien que choisie par ce cher Tim Burton) ne fait
pas partie de ma liste de films à voir cet automne. Des hommes et
des dieux, avec son titre évoquant l'essai philosophique et un
thème qui ne m'inspirait pas outre mesure, a tout de même fini par
rejoindre la tête de cette liste, il faut dire fort limitée par
l'absence à peu près totale de sorties intéressantes. C'est donc quelque
peu à reculons que je pars m'enfermer avec une petite dizaine de
moines...
Le film de Xavier Beauvois (qui réalise relativement rarement mais se
fait remarquer à peu près à chaque fois) se propose en effet de retracer
les derniers mois de la vie des moines de Tibhirine, au coeur de l'Atlas
algérien, assasinés dans des circonstances encore floues en 1996 après
leur prise en otage par un groupe islamiste. Autant dire qu'il n'y a
guère de suspense, on sait déjà comment tout cela va se finir. Le propos
du film est plutôt de nous montrer les liens de ces moines avec la
population environnante, et tenter de nous faire comprendre leur choix
de s'installer à cet endroit, et surtout d'y rester malgré la menace
évidente qui pèse sur eux (d'autres européens sont massacrés non loin du
monastère en début de film).
La partie quasi documentaire sur la vie au monastère, c'est certain, en
rebutera plus d'un. C'est lent, il ne se passe pas grand chose, et les
nombreuses scènes de prière chantée ne seront pas du goût de tout le
monde. N'étant moi-même pas franchement spectateur assidu du Jour du
seigneur en temps normal, j'ai parfois trouvé le temps un peu long.
Et pourtant, une fois qu'on a pris ce rythme un peu particulier, on
comprend la logique de Beauvois et on y adhère complètement (enfin, moi
du moins j'y adhère). On partage alors, d'une façon assez difficile à
décrire, les doutes et les craintes de ces hommes isolés et conscients
de se diriger tête baissée vers un martyre inutile.
Pire, on finit même par admettre leur point de vue ! Leur choix, ils
l'ont déjà fait en venant s'installer dans ce monastère, plusieurs
années (voire dizaines d'années pour certains) auparavant, et malgré les
doutes initiaux, aucun ne reviendra sur ses pas. Le parcours de frère
Christophe, à l'origine particulièrement peu convaincu de la nécessité
de rester, est particulièrement bouleversant, et Beauvois saisit
magnifiquement ses états d'âme. Ajoutez de très belles images (paysages
notamment) et vous comprendrez que ce film a une atmosphère singulière
mais extrêmement prenante.
Un petit bémol tout de même : autant les scènes se déroulant dans le
monastère sont presque toutes réussies (même le dernier repas des moines
sur fond de lac des cygnes, qui semble tendre la corde pour se pendre au
crochet du ridicule, emporte la mise par l'intensité de ses gros plans),
autant le reste est moins convaincant, voire même franchement
artificiel, comme si les acteurs récitaient leur texte sans y croire
(l'édile local tentant de convaincre les moines d'accepter une
protection militaire est particulièrement mauvais). Gênant même si ça ne
concerne qu'une minorité de scènes.
Il n'est bien évidemment pas obligatoire d'être féru de religion, ni
même d'adhérer au choix de ces moines pour apprécier cette oeuvre tout
simplement profondément humaine. Au moins, cette récompense cannoise
était méritée...
Roupoil, 18 septembre 2010.