De rouille et d'os,

film de Jacques Audiard (2012)



Avis général : 7/10
:-) Maitrisé, très fort sans en faire trop.
:-( Trop court, certaines transitions passent mal.

Petit Audiard est devenu grand. en à peine quelques films, et après un dernier passage à Cannes très remarqué pour son Prophète, le voila de retour avec rien de moins qu'un statut de grand favori sur la Croisette. Je n'avais été qu'à moitié convaincu par son opus précédent, mais difficile d'échapper à celui-ci. d'ailleurs, ça se bousculait aux portes de la salle quand j'y suis allé (à un horaire pourtant pas surchargé, comme d'habitude).

Après l'étouffante atmosphère carcérale du Prophète, Audiard reprend un peu d'air ici, et semble même se laisser aller à un peu de romantisme en contant l'histoire d'un couple hors-norme, celui formé par Ali, jeune papa célibataire paumé dont les capacités intellectuelles sont inversement proportionnées à la taille de ses biceps ; et Stéphanie, dresseuse d'orques au Marineland qui voit sa vie brisée (et ses jambes coupées) par un dramatique accident.

Et donc, ils vont s'aimer, se découvrir malgré leurs différences, et à la fin ils seront heureux et auront beaucoup d'enfants. Hum, non, quand même, c'est un peu plus compliqué que ça, et on peut rassurer les fans, ça a beau être une sorte de mélo, Audiard n'abandonne pas pour autant son style sec et presque brutal. On retrouve même la relative froideur que j'avais déjà constatée dans ses films précédents, et assez curieusement, celle-ci convient parfaitement à cette nouvelle histoire. Le récit est suffisamment fort par lui-même pour qu'il n'y ait pas besoin d'ajouter quoi que ce soit, et cette façon très directe et sans affect de filmer les choses permet à quelques scènes d'atteindre des sommets d'intensité vraiment impressionnants (sans trop dévoiler, les retrouvailles ente Ali et son fils et ce qui s'ensuit vous secouent bien comme il faut).

Quelque part, Audiarda trouvé un terreau très fertile pour son style là où on ne l'attendait peut-être pas. Je peux comprendre le gros succès d'estime du film dès sa sortie, et même les applaudissements cannois, car on ressort de la séance marqué. Pour autant, je ne crois pas qu'il faille crier au chef-d'oeuvre (et en ce sens, l'absence de récompense cannoise me parait normale), car le film souffre encore d'imperfections, et notamment d'une narration mal maitrisée. Curieux de prétendre avoir un film trop court quand la projection dure deux heures, mais l'enchainement des péripéties semble un peu forcée par moments, et surtout certains thèmes sont amenés de manière franchement peu convaincante. Le dialogue précédant la première fois entre Ali et Stéphanie, par exemple, est à côté de la plaque, semblant sortir de nulle part la carte de l'humour décalée (qui n'a absolument pas sa place dans un tel film) pour contourner la difficulté du thème pourtant essentiel qui est abordé là. Plus globalement, les dialogues (et au fond le scénario) ne sont pas à la hauteur de l'image.

On aurait pu espérer également un approfondissement de la psychologie du personnage d'Ali (Audiard ayant un sacré acteur sous le bras, il fallait en profiter), qui reste désespérément ras du bitume tout au long du film. C'est à se demander pourquoi une nana qui n'évoluait au départ pas du tout dans le même milieu peut s'accrocher à lui. C'est presque du détail, mais c'est tout de même du détail de fond. Audiard est certainement un grand faiseur d'images, il n'a peut-être pas encore trouvé le socle qui lui permettra de dépasser le statut de bon film, ce qu'est indiscutablemet ce De rouille et d'os.

Roupoil, 31 mai 2012.



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