Comme je ne suis toujours pas facilement enclin à
aller voir des films français au cinéma (alors que les derniers que
j'ai vus m'ont plutôt plu !), le titre intrigant et la belle affiche
de ce film n'avaient pas suffi à éveiller mon intérêt. Mais un bouche
à oreille positif (et les critiques aussi, mais tout le monde sait que
les critiques de cinéma racontent n'importe quoi) et surtout un sujet
très susceptible de me motiver ont fini par me faire tenter le coup.
Le sujet en question, c'est bien sûr la musique (non, toujours pas de
film sur le bridge à ma connaissance), même si ce n'est en fait pas
tout à fait le thème central du film. Tom, jeune racaille qui
"travaille" dans l'immobilier comme son papa (rats dans les immeubles,
descentes musclées pour virer les squatteurs, c'est pas franchement
joli), croise un soir l'ancien imprésario de sa mère, pianiste de
talent aujourd'hui décédée, qui lui propose une audition. Tom se remet
alors au piano, sans délaisser complètement ses combines.
Si l'argument de départ (le vieux qui propose une audition à quelqu'un
qu'il n'a pas vu depuis des années, et manifestement trop vieux pour
débuter une carrière de soliste) est assez irréaliste, on l'admet
assez vite tant elle est compensée par l'image donnée ensuite du
musicien au travail. Pour m'être moi-même acharné à maintes reprises
sur les cordes de mon violoncelle, je peux vous assurer que la
conduite de Tom, qui semble souffrir plus qu'il ne prend de plaisir
face à son instrument mais qui en redemande, est très crédible. Et pas
besoin d'être soi-même musicien pour suivre le film avec intérêt.
D'ailleurs, la musique, même si elle est au centre de l'histoire, n'est
pas vraiment le sujet principal. Ce que nous montre Audiard, c'est avant
tout un homme qui se cherche, à travers essentiellement la musique et les
femmes, et des relations ambiguës avec ses collègues de travail et avec
son père. On a donc droit à une alternance de moments de solitude de Tom
seul face à son piano, et de scènes souvent source de tension entre le
"héros" et les autres protagonistes. Il faut bien avouer que tout n'est
pas convaincant, le rélisateur semblant vouloir multiplier les pistes sans
qu'on comprenne toujours pourquoi (les scènes avec la femme du collègue,
même si elles ont leur place dans l'histoire, me semblent mal s'intégrer à
l'ensemble) et abuse un peu de procédés de réalisation qui rendent assez
illisibles les scènes les plus violentes. le reste du temps, la caméra
très près du visage de Romain Duris (très bon dans le rôle principal), ça
passe beaucoup mieux. Mais le film se serait sûrement très bien contenté
d'une mise en scène un peu plus sobre.
Pas de quoi s'offusquer toutefois, on a ici affaire à une oeuvre soignée
et globalement maîtrisée, sur un sujet qui en valait la peine. Un dernier
point pour convaincre les sceptiques : la fin, qui pourrait sembler
particulièrement casse-gueule si je la racontais ici, est très bien gérée,
de quoi quitter la salle sur une bonne impression.
Roupoil, 6 avril 2005.