C'est avec une grande émotion que j'ai sorti de son
boîtier hier soir le DVD fraîchement acheté de Danse avec les
loups. En effet, ce film a été l'une de mes premières révélations
cinématographiques alors que j'avais dix ans (j'ai vu les deux versions
quand elles sont passées pour la première fois à la télé en 1991 ; pour la
petite histoire, ça m'a même valu l'une de mes premières autorisations de
me coucher à plus 22 heures), mais bien qu'ayant été profondément marqué
par la beauté du film, je ne l'avais jamais revu. Confortablement installé
dans mon lit pour une séance spéciale de 4 heures (version longue oblige),
je vais enfin prendre le risque de confronter mon souvenir magnifié de
gamin à la réalité du film.
L'histoire se déroule en pleine guerre de Sécession, mais ça n'a
finalement pas une très grande importance. Le temps de dénoncer
l'absurdité de la guerre et le seul cadeau qu'elle apporte aux hommes, la
folie, en deux ou trois scènes efficaces, et Costner nous transporte,
ainsi que le lieutenant Dunbar, le personnage qu'il interprète, dans un
fort isolé à la frontière indienne, poste choisi par le grand solitaire
qu'est le héros (mais est-ce vraiment un héros ?) du film. S'il cherchait
la solitude, il sera servi : le fort a été déserté par ses précédants
occupants, et la relève ne semble pas proche d'arriver. La compagnie,
Dunbar devra la trouver ailleurs, d'abord dans son journal de bord, où il
prend soigneusement note de l'organisation de sa vie, seul à monter la
garde dans le fort, mais néanmoins déterminé dans un premier temps à
accomplir vaillament son devoir de soldat ; ensuite dans la nature sauvage
qui l'entoure, en particulier chez Two-Socks, un loup qui semble éprouver
un grand intérêt pour ce curieux blanc solitaire, et qui lui vaudra plus
tard le nom indien qui donne son titre au film ; et enfin chez la tribu de
Sioux qui campe non loin de là. Je ne révèlerai pas grand chose en
résumant rapidement la suite de l'intrigue : Dunbar se fait adopter par
les Sioux, tombe amoureux d'une blanche recueillie par la tribu, et finit
par devenir un indien tellement crédible que, quand une relève arrive
enfin au fort, c'est en traître qu'il sera accueilli, et ne devra son
salut qu'à l'intervention de ses désormais frères indiens.
Une chose au moins n'a pas changé à cette nouvelle vision : Danse avec
les loups est un film unique, fascinant, inoubliable. Loin de la
trame d'un western classique (les fusillades sont ici limitées à quelques
scènes clés, d'ailleurs subtilement disséminés au cours du film pour
retenir du spectateur), Costner nous propose une longue ballade dans
l'Ouest américain. On est ici pour contempler, admirer la nature sauvage
et le mode de vie indien. Plus que les intrigues classiques disséminées
dans le film, on retient un récit d'apprentissage passionnant, celui de
l'intégration (invraisemblable ? Peu importe, le message est beau, et
passe très bien) d'un soldat a priori fidèle aux principes qu'on lui a
inculqués, mais ouvert à cette culture totalement différente qu'est celle
des Sioux, dans cette communauté de guerriers chez qui la sagesse est
autrement plus importante que la technologie.
De ce point de vue, l'hommage au peuple indien est vraiment touchant,
même si on se demande parfois si Costner n'en fait pas trop. Bien sûr, je
serais bien incapable de juger la valeur ethnologique de ce qu'on voit
dans le film, mais à vouloir renverser le manichéisme classique du western
(indiens=méchants ; blancs=bons), il finit par donner une image quasi
caricaturale des Sioux : jamais une décision qui ne soit mûrement
refléchie (certes, tout le monde a le droit d'argument lors des grandes
réunions, mais jamais on prend le parti violent), et une écologie
absolument sans faille. Alors quand les Pawnee (autre tribu indienne
traînant dans le coin) sont dépeints comme des brutes sanguinaires, puis
les sldats nordistes comme des abrutis sans cervelle vers la fin du film,
la pilule est un peu dure à avaler.
Quand à l'intrigue amoureuse avec la jolie Dressée avec le Poing, blanche
recueillie par la tribu après le massacre de sa famille par les indiens
(les Pawnee, bien sûr, les mauvais indiens, vous ne pensez pas que les
Sioux auraient fait une chose pareille), même si elle s'intègre bien
au scénario, elle est d'une banalité à faire fuir l'amateur le plus
indulgent de guimauve dégoulinante.
Mais ne soyons pas non plus trop exigeants, si Costner n'a pas su se
défaire de quelques défauts, sa fresque reste un grand moment de cinéma,
on voit à peine passer les 4 heures, plongé dans les hautes herbes des
plaines de l'Ouest, et on en ressort avec un pincement au coeur (le sobre
résumé du destin qui attend les indiens à la fin du film fait quand même
assez mal) mais le bonheur d'avoir pour toujours ce défilé d'images
superbes dans un coin de notre mémoire.
Roupoil, 9 août 2004.