J'ai hésité un petit moment avant d'écrire cette
critique, puis sur le contenu qu'elle devait avoir. Est-ce que je dois
juger un film comme Chantons sous la pluie suivant les mêmes
critères que les films qui sortent de nos jours, auquel cas la critique va
être un joyeux massacre, ou essayer de le voir avec les yeux des
spectateurs de l'époque ? Poser la question revient à y répondre : je ne
vais pas m'amuser à me transposer virtuellement à une époque que je n'ai
pas connue pour donner un jugement qui ne correspondrait à rien, c'est
donc parti pour un démontage en règle qui fera sûrement mal à tous les
fans de ce film-culte :-).
Hollywood à la fin des années 20. Don Lockwood et Lina Lamont forment un
couple phare du cinéma planplan qui est à la mode à l'époque. Seulement,
une révolution se profile : l'apparition du parlant. Et un gros problème à
l'horizon puisque Lina n'est qu'une bécasse qui zozote. Qu'à celà ne
tienne, elle sera doublée par la fringante Kathy Seldon, qui en profite
pour taper dans l'oeil de Lockwood.
Le scénario est un hommage aux films hollywoodiens de l'époque (je veux
dire, de l'époque de la fin du muet) et n'est de toute façon qu'un
prétexte pour introduire un numéro musical toutes les cinq minutes (ça
vaut mieux vu sa platitude), lesdits numéros étant eux-mêmes des
reprises/arrangements de tubes des années 30. À ce sujet, je dois
d'ailleurs dire que le deuxième DVD accompagant le film dans l'édition que
j'ai eue entre les mains au moment du visionnage est particulièrement
intéressant pour comprendre la genèse du film et même pour le coup
agréable à regarder : au moins, il n'y a pas prétention à faire un film
cohérent, mais seulement une accumulation d'archives plus ou moins
amusantes (l'original de Singin'in the rain est particulièrement
gratiné). Il donne aussi un éclairage différent au film en lui rendant son
côté hommage qui peut passer inaperçu de nos jours.
Cela ne suffit toutefois pas à le sauver, car il faut bien avouer qu'on
(ou du moins je) ne s'amuse pas beaucoup à la vision de ce grand classique
du cinéma. Les scènes de transition n'ont à peu près aucun intérêt
(l'intrigue amoureuse est mauvais au possible, et si on veut un bon vieux
film hollywoodien sur les coulisses du cinéma, mieux vaut se tourner vers
All about Eve de Mankiewicz), les scènes soi-disant comiques
peinent à arracher un sourire indulgent, et le clou du film, les scènes
dansées ne valent guère mieux. C'est bien évidemment dur ce dernier point
qu'on pourra trouver ma critique criticable, mais je suis désolé de dire
que voir un gars tenter de se démembrer comme une poupée me lasse assez
rapidement, et Gene Kelly faisant joujou dans les flaques d'eau ne
suffit pas à me scotcher à l'écran. Mais bon, je ne prétends pas non plus
envoyer les chorégraphies à la poubelle, c'est simplement que je n'aime
pas tellement la danse en général, et que ce style de chorégraphie me
semble particlièrement dénué d'intérêt. Si encore ces scènes étaient
sauvées par une musique sympathique ! Mais même pas, à l'exception de la
chanson-titre et de Good Morning qui se laissent écouter sans
déplaisir (même si cette dernière me fait irrésistiblemnent penser au
générique des Tiny Toons, ce qui n'est toutefois pas très
dommageable dans la mesure où ça a au moins le mérite de me faire marrer),
le reste est une soupe infâme, très loin de ce qui s'est fait de mieux
niveau comédie musicale dans les années 30. Du coup, une scène comme celle
de Broadway à la fin du film paraît interminable et devient même pénible à
la longue.
Pas la peine de continuer plus longtemps à dire du mal du film, vous
l'aurez compris, j'ai beaucoup de mal à comprendre l'enthousiasme qu'a pu
suciter ce film à sa sortie et jusqu'à aujourd'hui. Il me semble que, même
à l'époque, beaucoup de films hollywoodiens étaient autrement plus réussis
(au hasard les comédies de Billy Wilder). Que ceux qui prétendent qu'une
vision de Chantons sous la pluie les fait rayonner de bonheur
aillent faire des claquettes dans les flaques d'eau si ça leur chante,
moi, comme film musical, je préfère mille fois revoir Moulin
Rouge de Baz Luhrmann.
Roupoil, 8 août 2004.