Des quelques dizaines qu'a tourné Curtiz durant sa longue
carrière, il doit en rester deux de connus de nos jours, mais l'un l'un
d'entre eux a acquis le genre de postérité qui suffit à rendre immortel
son auteur. On peut même affirmer sans prendre trop de risques qu'il
s'agit de l'oeuvre le plus mythique de la première moitié du vingtième
iècle dans le domaine du septième art. Pourtant, pour une fois, j'ai
regardé le film sans aucun a priori, peut-être grâce à un état de fatigue
avancé.
Bref, en tout cas, pour les ignares comme moi qui ne savent pas de quoi
cause le film, la date de réalisation n'est pas du tout anodine puisque la
guerre est au coeur de tout ce qui se passe à l'écran. Casablanca est
alors assez éloignée de l'esprit village de vacances, puisqu'elle sert de
lieu de passage aux candidats à l'exil outre-Atlantique. Des Etats-Unis,
Rick en vient, et il tient maintenant un bar (enfin, un peu plus qu'un
bar) dans la ville. Bar où ne vont pas tarder à accoster Victor Laszlo,
un évadé de camp de concentration, et surtout sa femme, qui a bien connu
Rick quelques années auparavant.
On a donc un joyeux mélange de politique-fiction ouvertement anti-nazie et
de mélo kitschouille comme le public dvait en rafoler à l'époque. Mais
assez curieusement, ce qui servait peut-être originellement de prétexte à
faire un film engagé et permettait de mieux faire passer la pilule est
plutôt plombant de nos jours. Heureusement, les acteurs sont suffisamment
charismatiques pour faire passer cette love story sans grand intérêt. Mais
je dois dire que personnellement, l'avis de As time goes by me
semble plutôt néfaste pour la santé.
Passons donc aux indéniables (tout de même) qualités de ce classique
(terme qui convient comme un gant à ce film). Déjà, ça fait plaisir de
voir un film où les scènes s'enchainent avec un naturel parfait, et où on
n'est jamais dérangé par une réalisation qui cherche à faire inspiré (ma
phrase n'est peut-être pas très claire, ce que je veux dire c'est que la
réalisation est très sobre). Ce n'est pas très imaginatif, mais convient
parfaitement au film, dont l'intérêt essentiel vient des dialogues (pas
étonnant puisqu'il est adapté d'une pièce de théâtre). Et là c'est du tout
bon, plein d'humour, oujours très bien écrit, bref du dialogue comme on ne
sait plus en faire. Comme la distribution qui nous joue tout ça est assez
éblouissante (déjà, Bogart, quand même, voilà...), il est certain qu'on
suit tout ça avec intérêt (j'étais de plus en plus réveillé au fur et à
mesure de l'avancée du film, c'est dire).
De là à justifier la réputation du film, il y a un pas que je ne saurais
franchir. Le grand succès du film s'explique sûrement en partie par le
contexte politique, mais vu de nos yeux de petits jeunes pour qui la
guerre n'est connue que par les livres d'histoires, on ne voit qu'un bon
film, bien fait, mais pas un grand film (d'ailleurs, je ne pense que le
film ait cherché à être un grand film !). De la même période, par exemple,
Autant en emporte le vent me semble autrement plus ambitieux. Ca
n'empêche bien sûr pas Casablanca d'être un bon exemple de ce
qu'Hollywood savait faire à l'époque, mais je suis sûr qu'on peut trouver
un paquet de films aussi bons que celui-là autour des années 40. hein,
quoi, des noms ? Au, euh, en fait, je ne connais pas suffisamment,
cherchez donc par vous-même, ça vous fera le plus grand bien ;-P.
Roupoil, 16 avril 2006.