Continuons notre exploration de films "différents" avec
l'un des sommets du genre, et même à en croire la jaquette du DVD le film
le plus controversé de l'histoire du cinéma. De fait, il a cumulé à sa
sortie une quantité d'interdictions et censures assez phénoménale et sa
réputation sulfureuse ne l'a pas quitté depuis. Comme toujours, la
meilleure façon de se faire une idée est de regarder.
Dans un recoin perdu de la jungle amazonienne, un ethnologue lance une
expédition de secours à la recherche d'un groupe de quatre reporters
partis quelques semaines plus tôt sur la piste de tribus cannibales. Il
réussit à se faire accepter par la féroce tribu et à récupérer les films
tournés les reporters. La chaine de télé pour laquelle ces derniers
travaillaient envisage de passer ces bandes en prime time sans même les
avoir regardées auparavant. Pourtant, les méthodes de travail employées
sont pour le moins discutables...
La bonne surprise à la vue de ce film, c'est qu'en fait il n'est pas du
tout inregardable (comme, je dois l'avouer, je m'y attendais), mais se
veut au contraire tout à fait sérieux. L'ambition de Deodato était
manifestement de faire une méta-critique de l'utilisation de la violence à
la télévision, et il dispose au moins d'une très bonne idée : la
construction du film en deux temps, avec le film dans le film constitué du
reportage retrouvé par Monroe (procédé qui a depuis fait des émules,
notamment le famaux Projet Blair Witch), cumulée à l'époque de
la sortie avec des rumeurs sur la réalité des faits reportés.
Malheureusement, le film s'arrête à peu de choses près aux bonnes
intentions. Sous couvert de dénonciation, le film montre de fait un
certain nombre d'atrocités (mais rien d'insoutenable pour quiconque ne
tombe pas dans les pommes à la première dissection venue, ceci dit), mais
manque beaucoup trop de recul pour que la réflexion soit vraiment
intéressante. Les personnages sont trop sommaires pour que le malaise
prenne vraiment : que ce soient les gens de la télévision complètement
bornés ou les reporters sadiques, il manque un vrai contrepoint (la nana
du groupe tente bien de s'interposer pour limiter les horreurs commises
par ses copains, mais c'est léger). Du coup, les atrocités s'enchainent et
on tombe dans la complaisance voyeuriste qu'on cherche à dénoncer...
C'est ballot, pour une fois qu'on a un film d'horreur avec un vrai sujet
(ce qui est tout de même loin d'être le cas d'une bonne partie de la
production du genre actuelle), celui-ci est loin d'être exploité au mieux.
Avec un peu plus de subtilité, le film aurait pu devenir un vrai classique
digne d'un Orange mécanique. En l'espèce, il vaut tout de même le
coup d'oeil, ne serait-ce que pour le débarasser d'une réputation
finalement peu justifiée.
Roupoil, 1 juillet 2006.