Bullhead,

film de Michael R.Roskam (2011)



Avis général : 7/10
:-) Suprenant, et simplement prenant.
:-( Les acteurs inégaux. Certains aspects moins réussis que d'autres.

Vous le savez, je suis généralement plus attiré par les sorties américaines que par notre cher cinéma hexagonal. Mais il est pour le coup rarissime que j'aille voir un film francophone qui ne soit pas français. À vrai dire, ce Bullhead n'est que très partiellement francophone, c'est un film belge penchant plutôt vers le flamand. Du cinéma de nos amis mangeurs de frite, on connait le cinéma social façon Dardenne, et éventuellement des clowneries faisant intervenir un quelconque Poelvoorde ou Damiens. Là, on en est très loin...

On se réfère plutôt à la grande tradition de films de mafieux si on tente de résumer l'intrigue. Le héros, après avoir subi un grave traumatisme dans son enfance, est aujourd'hui un traficant assez prospère. Mais suite à l'assassinat d'un flic par un de ses fournisseurs potentiels, il se retrouve confronté à son passé. Ses coups de sang vont le mener au bord du gouffre. On est chez Scorsese ? Ben non, pas du tout, ici le héros s'appelle Jacky (je vous épargne le nom de famille), et ça se passe dans le Limbourg, au fin fond de la campagne belge, à deux pas de la frontière linguistique. Quand au trafic, il s'agit d'hormones de croissance pour le bétail.

Dit comme ça, évidemment, ça peut sembler moyennement attirant. Si je vous ajoute le fait que le film cherche aussi à mélanger un peu tout les genres, ajoutant une histoire d'amour contrariée et un côté plus ou moins humoristique tendance lourdingue avec une paire de mécanos wallons pas très dégourdis ; et qu'en plus de tout ça une partie des acteurs sont franchement moyens, on peut même craindre le pire. Pourtant, le film a fait le voyage jusqu'aux Oscars, et sincèrement, il le mérite.

Déjà, son acteur principal est phénoménal, et donne à son personnage d'armoire à glace aux nerfs à fleur de peau une intensité extraordinaire. On en oublie facilement tout ce qui l'entoure pour se concentrer sur ses réactions, et même en restant en apparence impassible la majeure partie du temps, son interprète nous transmet sa sensibilité écorchée de façon fascinante. L'autre bonne raison de se déplacer, c'est la réalisation étonnante du grand débutant Michael Roskam. L'ambiance est là, avec ces jolis plans de campagne brumeuse, et quand le réalisateur tente d'imposer du lyrisme à coups de gros plans répétés sur le visage de son héros, potentiellement très casse-gueule, ça marche. Toute la force du film est très bien résumé par son épilogue brutal (mais prévisible). C'est un peu forcé, ça pourrait être grand-guignol et ridicule, mais ça dégage une puissance étonnante.

Roskam n'a pas franchement choisi la facilité pour son entrée en lice, mais il s'en sort avec les honneurs. Pas sûr maintenant que le deuxième film soit plus facile à faire que le premier pour lui, car les attentes seront grandes le concernant. S'il arrive à s'éparpiller un peu moins en gardant toute son énergie concentrée sur son sujet, il peut très rapidement cotoyer les tout meilleurs.

Roupoil, 19 mars 2012.



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