Il n'y a finalement pas énormément de réalisateurs en
qui je fais entièrement confiance pour me donner satisfaction à chaque
nouveau film, dont je sais que je ne sortirai pas de la salle décu ou
perplexe. Jim Jarmusch fait peut-être pour moi partie de cette précieuse
catégorie. Avec sa filmographie assez clairsemée mais éclectique, il a le
don de séduire même quand il s'engage dans des voies originales, comme
il l'a fait il y a quelques années dans Dead Man.
Ce nouveau film le présentait, à en croire la critique, sous un jour
nouveau, avec une intrigue minimaliste et une grande place laissée à
l'interprétation tout aussi minimaliste de Bill Murray. Pas de quoi
m'attirer énormément a priori, mais après l'avoir vu, je ne suis pas
certain que ce Broken Flowers soit si éloigné que ça dans son
esprit (film à sketches, ici un peu dissimulé, personnages subtilement
croqués en l'espace d'une conversation) de Night on earth, qui
reste à ce jour mon oeuvre préférée chez Jarmusch. Quoi qu'il en soit,
nous suivons donc un Murray très placide en don Juan Vieillissant, rendant
visite à quelques-unes de ses anciennes conquêtes pour retrouver la trace
de son fils dont il vient d'apprendre l'existence.
On se fond très rapidement dans l'atmosphère moelleuse du film : une
action limitée, un humour léger mais présent, une musique subtilement
disséminée à la moindre occasion (y a même un bout du Requiem de Fauré :-)
), des acteurs qui ont l'air tellement bien dans leurs rôles qu'ils ne
peuvent que nous séduire, et la réalisation toujours impeccable de
Jarmusch. Puis Don commence à reculons son périple, et on prend énormément
de plaisir à le voir se laisser faire par Sharon Stone et sa fille
gentiment délurée, puis à partager dans une atmosphère indescriptible le
repas de deux parvenus coincés. Bien sûr, tout cela est un peu facile, et
on se dit par moments que Jarmusch n'a pas forcé son imagination avec ce
dernier opus, mais finalement, n'est-ce pas aussi la marque du talent que
de savoir fasciner avec un matériau de base aussi limité ?
Il faut toutefois bien admettre que la fin du film n'est pas tout à fait à
la hauteur des deux premiers tiers. La dernière visite (non, je ne parle
pas de celle du cimetière) est anecdotique et, après une fort belle scène
chez une fleuriste, le retour au pays et le dernier chapître de l'enquête
de Don sont assez décevants.
Dommage, car le spectateur reste du coup un peu sur sa faim en sortant de
la salle. Mais avec tout de même la satisfaction d'avoir passé un bon
moment devant l'écran. On sera toujours partants pour aller faire un petit
tour du pays (ou plus) avec Jim Jarmusch.
Roupoil, 1 octobre 2005.