Cannes 2009, le retour. Après avoir loupé un ou deux
des films de la sélection, j'ai hésité un petit moment à aller voir le
nouveau film de Jane Campion, dont la fameuse Leçon de piano ne
m'avait pas plu emballé que ça quand je l'ai vue assez récemment. Ce qui
m'a peut-être le plus incité à franchir le seuil de la salle, c'est
finalement la curiosité de voir "en vrai" l'histoire de John Keats que
je connaissais bien via ... l'Hypérion de Dan Simmons. On a les
références qu'on peut.
John Keats, donc, pour ceux qui l'ignoreraient, est un poète romantique
anglais. Romantique jusqu'à la caricature, puisqu'il est mort de
tuberculose à 25 ans, a été peu compris de son vivant avant de devenir
une référence par la suite, et a connu un amour fou avec sa voisine
Fanny Browne, ce qui constitue le sujet du film.
Ledit film entre d'ailleurs dans le vif du sujet de façon assez
sommaire, prenant à peine le temps de présenter les personnages. Les
ellipses sont d'ailleurs assez fréquentes au long du film, Campion
fuyant manifestement les scènes de foule, de bal ou autres classiques de
la reconstitution historique, pour se concentrer sur ses deux
personnages principaux et leurs proches. Même les costumes (pourtant au
centre de l'intrigue en début de film) ont l'air bien modernes et, dans
les rares scènes peuplées, pas un plan large, on n'est pas là pour en
foutre plein les yeux. Ou plutôt si, car le film est malgré tout très
beau, mais plus sobrement, dans le choix de ses couleurs, de sa lumière,
la composition des plans, la douceur de la campagne anglaise ou la
simplicité d'une averse de neige.
Quant à la vision que donne l'auteur de la passion entre Keats et Fanny,
elle est sans grande surprise assez dépassionnée, mais ne tombe pas pour
autant dans la froideur (contrairement à ce que j'avais ressenti dans
La Leçon de piano), et respire au contraire la sincérité.
Campion est bien aidée en cela par une paire d'acteurs convaincants, une
musique rare mais bien choisie (la Gran partita a capella,
c'est assez étonnant), et des récitations de poèmes fréquentes sans être
envahissantes, et surtout bien intégrées à l'ensemble du film. Plus on
progresse vers l'issue dramatique, plus le film convaint, jusqu'à nous
laisser sans voix mais avec une sacrée boule dans la gorge après la
conclusion.
Au final, une bien belle surprise pour moi. Peut-être mon indécrottable
côté romantique m'a-t-il fait accepter avec un peu de mansuétude les
quelques longueurs du film (ça se répète tout de même un peu), mais je
n'ai vraiment pas vu le temps passer. Tout simplement l'un des meilleurs
films cannois à mon goût.
Roupoil, 24 janvier 2010.