Breaking the waves,

film de Lars von Trier (1996)



Avis général : 8.5/10
:-) À partir d'un sujet scabreux, Lars von Trier réussit à construire un film totalement bouleversant. Emily Watson est prodigieuse.
:-( Il faut s'y mettre : caméra à l'épaule, pas de musique, le réalisme prime. Et puis c'est très long. Et super glauque...

Juste pour vous mettre dans l'ambiance, je tiens à préciser que j'ai vu pour la première fois ce film au cours d'une soirée « DVDéprime » avec un copain, juste après le visionnage de Virgin Suicides. Eh bien, je peux vous dire qu'à côté de Breaking the waves, ce dernier fait office de remontant. J'ai dit dans mon intro à ma page web ciné que j'aimais les films déprimants, avec celui-là, au moins, on est servi.

Quelque part en Europe du Nord (l'Écosse, me dit Google, je veux bien le croire), dans un village très traditionnel, une jeune femme un peu dérangée mentalement s'apprête à épouser un étranger qui travaille sur une plate-forme pétrolière non loin de là. Tout se passe bien, jusqu'au jour où Jan (le mari) est victime d'un accident qui le laisse à l'état de légume (physiquement s'entend, car il garde toute sa tête). Il ne tarde pas à essayer de convaincre Bess (sa femme) d'aller coucher avec d'autre hommes et de lui raconter ensuite pour entretenir un semblant de proximité sexuelle.

Bon, au vu d'un scénario pareil, on se demande, d'une part quel zouave a bien pû avoir l'idée de tourner ce film, et d'autre part ce que peut bien donner le résultat à l'écran. La réponse à la première question, Lars von Trier, donne des pistes pour la seconde. Niveau stylistique, ce sera don hyper-réaliste, caméra tremblotante, pas l'ombre d'un effet de lumière ou d'une musique sous-jacente. Il faut un peu de temps pour s'habituer, mais une fois qu'on est dedans, le procédé permet finalement une proximité au drame assez surprenante. La scène du mariage ressemble ainsi à une vidéo tournée au camescope par un convive, on s'y croirait.

Du coup, le scénario lui-même passe presque comme une lettre à la poste. C'est crû, c'est dérangeant assez souvent, mais les personnages sont tellement humains qu'on s'attache à eux et qu'on suit les péripéties sans trop se poser de question sur leur vraisemblance. Les acteurs sont tout à fait dans le bain, Emily Watson en tête, absolument époustouflante dans le rôle de Bess. Pendant près de trois heures, il n'y a pas une seule intonation, pas une seule expression du visage qui semble jouée, tout est tellement naturel et adaptée qu'on a réellement l'impression d'être témoin direct d'un drame et pas de sa recréation à l'écran.

Bien sûr, les émotions qui submergent le spectateur aux moments forts en sont décuplées, et je défie quiconque de rester de marbre au moment où Dodo hurle sa douleur devant le lit de mort de Bess (d'ailleurs, moi-même, au moment où je tape ces lignes, rien que d'y penser, je me sens beaucoup moins zen qu'il y a quelques secondes). D'ailleurs, je ne vois pas d'autre scène dans tout ce que j'ai vu au cinéma qui prenne autant aux tripes que celle-là.

Au final, je suis bien embêté pour juger un tel film. Ça s'éloigne trop de ce qu'on a l'habitude de voir pour être jugé selon des critères standard (mais pas du tout dans le sens de Gozu par exemple, la même histoire filmée d'une autre façon rentrerait sans problème dans un cadre classique). D'un côté, je me sens un peu volé car il me manque des dimensions que j'aime avoir au cinéma (aucune stylisation), et d'un autre, je me dis qu'un film aussi émouvant et différent doit absolument être vu pour se faire une idée de ce que peut être un cinéma différent des standards. Bref, allez le voir et jugez par vous-mêmes.

Roupoil, 27 octobre 2004.



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