Boulevard du crépuscule,

film de Billy Wilder (1950)



Avis général : 8.5/10
:-) Une atmosphère profondément mélancolique pour accompagner un scénario très vache mais superbe.
:-( Un poil bavard. Le personnage de Norma bouffe un peu les autres.

Une caractéristique souvent assoiée aux très grands réalisateurs, c'est leur capacité à changer de genre sans perdre une once de leur talent et de leur pertinence. Je ne vous ferai pas l'affront de redétailler la film de Kubrick à ce sujet, mais c'est en tout cas un point commun qu'il possède avec l'immense Billy Wilder, peut-être plus reconnu aujourd'hui pour ses films comiques, mais qui a également brillé dans un registre beaucoup plus sombre. À moins que ce ne soit moi qui ait cette impression pour la simple raison que j'ai d'abord découvert (et fort aprrécié) quelques-unes de ses comédies les plus célèbres. Il était temps que je découvre la face caché de Wilder.

Joe Gillis est un scénariste comme il y en a tant d'autres dans l'Hollywood de la fin des années 40, qui tente de survivre en brodant des historiettes convenues mais a tout de même les créanciers à ses trousses. Un hasard le mène un jour dans la villa décrépite de Norma Desmond, ancienne star du muet qui y vit avec son fidèle majordome Max. Enfin, vivre c'est beaucoup dire, dans la mesure où elle se contente de mariner dans la nostalgie d'un passé désormais révolu. Plus ou moins consciemment, Gillis lui-même se laisse prendre au piège de la grande Norma.

Le film démarre sur un grand flash-back accompagné d'une voix off qui a bien des choses à nous dire, et ne semble à première vue être qu'une petite intrigue policière (ça s'ouvre sur un cadavre, tout de même !) qyant pris pour cadre Hollywood et en profitant pour taquiner gentiment le milieu du cinéma de l'époque. Ce n'est qu'au bout d'un bon quart d'heure, quand Norma fait son apparition, qu'on commence à prendre conscience que le film est beaucoup plus profond et vachard que cela. En une réplique magistrale ("I am big, it's the pictures that got small" : je suis grande, ce sont les films qui sont devenus petits), Gloria Swanson (elle-même ancienne star du muet retirée des plateaux depuis bien longtemps au moment d'accepter ce rôle) prend possession de l'écran, et une douce mélancolie s'installe, qui ne quitera plus le film jusqu'à sa conclusion amèrement tragique.

Tout est ensuite question d'atmosphère (absolument extraordinaire, et notamment portée par la très belle musique de Franz Waxman), de subtilité dans un scénario qui attaque tout de même de façon très violente le star-system hollywoodien, de précision et de réalisme des détails (bien sûr, voir Cecil B.De Mille lui-même en plein tournage est réjouissant, et je suis certain d'avoir raté plein de références subtiles, puisque je n'avais par exemple pas reconnu Buster Keaton parmi les joueurs de bridge, et que je me demande toujours à quoi font référence les dialogues manifestement récités entre Gillis et Betty à la fête de Nouvel An).

On peut, certainement, trouver le rythme un peu lent, mais c'est le principe de ce requiem pour une star déchue, et pour peu qu'on accroche (et il faut vraiment être difficile pour ne pas accrocher !), on est totalement fasciné par ce personnage à la fois attachant et détestable. Au point d'ailleurs que l'intrigue secondaire récurrente avec Betty (qui offre pourtant un autre angle d'approche fort intéressant du fonctionnement de la machine à rêves hollywoodienne) parait presque légère en comparaison. Un bien petit défaut pour un superbe film.

Roupoil, 14 mai 2009.



Retour à ma page cinema