Bonnie and Clyde,

film d'Arthur Penn (1967)



Avis général : 7/10
:-) Une intrigue intéressante et plus profonde qu'il n'y parait. Très beaux extérieurs, des acteurs à la hauteur.
:-( Le rythme et l'ironie un peu particulière de Penn. Le côté romantique passe moins bien que le reste.

L'un de mes plus beaux ratés de ces dernières années dans la catégorie grands classiques a été Little big man, le western habituellement acclamé d'Arthur Penn. Pas rancunier pour deux sous, je laisse une deuxième chance à ce réalisateur à peine quelques mois après cette cuisante déconvenue, avec son autre oeuvre mythique, la cronique des amants criminels Bonnie Parker et Clyde Barrow.

Dans un bled quelconque au milieu de l'Amérique meurtrie du début des années 30 (meurtrie par la crise économique, pour ceux qui auraient des trous de mémoire), Bonnie est une gentille allumeuse qui bosse comme serveuse mais s'ennuie un peu dans son trou. Un beau jour, Clyde, petit gangster sans envergure, passe devant sa fenêtre et tente de l'impressionner avec son gros pistolet (non, non, pas de grivoiseries cachées là-dessous, puisque Clyde n'est pas vraiment du genre bête de sexe). Chacun de leur côté, ces deux êtres au fond assez pitoyables n'auraient sûrement jamais défrayé la chroniques. Réunis, ils vont devenir un couple mythique, provoquant dans tout le pays un mélange de terreur et d'admiration.

Les couples criminels sont devenus depuis la sortie de Bonnie and Clyde un filon assez classique au cinéma, mais le film de Penn a le mérite de l'antériorité sur bien d'autres dans sa catégorie (à commencer par la plus poétique Balade sauvage de Malick, plus récente de quelques années). Le spectateur déçu par Little big man que j'avais été a tout de même été bien content de retrouver le soin appliqué aux images, avec notamment plein de très belle scènes en extérieur. D'ailleurs, même au niveau du ton, les deux grands films de Penn ne sont pas très éloignés : grande liberté et une bonne dose d'ironie, notamment ici dans l'utilisation d'une musique quasi saugrenue pour ponctuer quelques moments forts du film.

La différence fondamentale est tout de même que, là où Little big man brodait une pure fiction délirante et assez déroutante, ce film-ci est bien obligé, par son sujet, de coller un minimum à la vérité historique. Alors, même si les changements de ton de Penn peuvent continuer à désorienter, ils ont le mérite d'éclairer ce fait divers sous tout un tas d'angles différents, que le spectateur est invité à explorer à sa guise : histoire d'amour passionnée mais perturbée par les insuffisances de Clyde (pas l'aspect le plus réussi à mon gout), violence brute (bien rendue, on se croirait presque chez Peckinpah par moments) et de façon peut-être moins attendue une insistance discrète sur le côté "inéluctable gâchis" de toute l'histoire. Au fond, les gangsters dépeints par Penn sont loin d'être antipathiques (de toute la bande, c'est celle qui ne voudrait pas être mêlée à tout ça, la belle-soeur de Clyde, qu'on a en permanence envie de baffer), et ne semblent être devenus de vrais truands que par le biais quasi aléatoire de l'ambition de Bonnie de sortir de son trou (et son amour pour Clyde) et maladresse du pauvre bougre qu'ils récupèrent rapidement (celle qui entraine le premier meurtre). D'ailleurs, personne ne semble très conscient de la gravité de ce qui se passe, et seule Bonnie, sur la fin, semble regretter que la troupe fonce droit vers un destin tragique.

Il y a indiscutabelemtn de quoi réfléchir sur ce thème passionnant. Penn préfère manifestement nous laisser libres de mener cette réflexion à notre guise plutôt que de forcer nos sentiments ce que je regrette au fond un peu (il n'y a pas vraiment de scènes extrêmement frappantes dans le film). Mais son film reste une oeuvre très maitrisée, et cette fois-ci, intéressante de bout en bout.

Roupoil, 22 février 2009.



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