Pendant la guerre de Sécession, trois types plus ou
moins louches sont à la recherche d'un magot. Voilà, résumée en quelques
mots, toute l'intrigue de ce western de Sergio Leone. Pas de grandes
surprises non plus dans l'enchaînement des rebondissements ou dans la
conclusion du film, tout est d'un sobre classicisme. Et pourtant, le
western spaghetti, dont ce film est l'apogée, a en son temps chamboulé le
genre classique du western (il est d'ailleurs amusant de noter que, quand
on critique un western de nos jours, on a l'impression de s'intéresser à
un genre qui a déjà vécu toute son histoire, ce qui n'est pas si fréquent
dans ce jeune art qu'est le cinéma).
Pour le spectateur que je suis, qui a connu à peu près tous les westerns
classiques très longtemps après leur sortie et dans un ordre plus ou moins
aléatoire, il est vrai que les caractéristiques du style de Leone ne
sautent pas aux yeux, et en tout cas ne choquent pas du tout. C'est
peut-être tout simplement le signe que la sauce du western spaghetti a
tellement bien pris qu'elle est aujourd'hui devenue aussi classique que ce
qui l'a précédée. Au point de vue du style, donc, pas vraiment de
surprises non plus, les gros plans et les longues séquences silencieuses
sont bien là.
Mais sur ce canevas très classique, Leone fait preuve d'une maîtrise
étonnante (à mon sens beaucoup plus que dans Il était une fois dans
l'Ouest). Les scènes s'enchaînent avec une précision d'horloger
(allez, pour être totalement honnête, il y a bien deux ou trois bouts de
pellicule en trop sur la fin, mais ça passe quand même très vite pour un
film de cette durée), les dialogues font systématiquement mouche, et pour
les scènes statiques, l'alternance de silences pesants et de la musique
mythique de Morricone fait naitre naturellement la tension, alors même que
l'on sait la plupart du temps ce qui va se passer ! On a presque
l'impression que Leone joue avec le spectateur, à coup de « Alors là, à
votre avis, comment va-t-il faire pour s'évader ? Il va le pousser hors du
train ? Hmmmm, attendez voir... Oui, bravo ! ». Et on se laisse embarquer
avec un plaisir évident.
Il est par ailleurs soutenu dans son entreprise par un trio d'acteurs
excellents dans leurs rôles. Pas plus bon ou truand l'un que l'autre, ce
sont simplement trois solitaires plus ou moins prêts à tout pour quelques
dollars. Rôles à la limite de la caricature, mais rendus crédibles par la
conviction des trois stars. On peut tout de même se demander si le film
n'aurait pas gagné un peu plus de profondeur à nous présenter des héros un
plus fouillés psychologiquement. D'autant que la seule scène où Leone se
permet un petit écart (le dialogue de Tuco avec son frère puis avec
Blondin dans la diligence) laisse apercevoir de réelles possibilités dans
cette direction. Mais peut-être n'est-ce finalement pas le but du film.
Tel quel, il s'agir déjà d'un monument du western familial, qui cherche
uniquement le bon plaisir du spectateur et atteint aisément son but. À
revoir en mangeant une bonne pizza et en récitant les meilleures
répliques. Il y a deux sortes de gens : ceux qui ont aimé Le Bon, la
brute et le truand, et ceux qui ne l'ont pas encore vu.
Roupoil, 28 avril 2005.