Il est des films mythiques, dont on ne peut parler sans
une sorte de révérence dans la voix, qui ont marqué toute une génération
et même plus, et qui semblent de jamais devoir dévoiler tous leurs
secrets. Blade runner en est un, et ses multiples versions plus
ou moins fidèles à la volonté initiale de Ridley Scott n'y sont
certainement pas pour rien, tout comme le monologue assez fumé de Rutger
Hauer vers la fin du film. Je ne sais pas exactement quel est le statut de
la version que j'ai vu (dernière version éditée pour la sortie DVD si je
ne m'abuse, pas de voix off) et surtout je ne me souviens guère quelle
était la version que j'avais vue sur grand écrant il y a quelques années
(même fin ambiguë en tout cas). J'avoue qu'à l'époque le film m'avait
vaguement déçu, mais je me disais quand même qu'il méritait une deuxième
tentative.
Dans un futur pas très lointain et très pluvieux, Dackard est envoyé en
chasse contre des réplicants, androïdes d'apparence humaine apparemment
prêts à semer la zizanie sur cette bonne vieille Terre où ils n'auraient
jamais du remettre les pieds. Tout en s'acquittant de sa tâche, le flic un
peu usé va tomber sous le charme d'une jeune femme qui est elle-même une
réplicante dernière génération. L'occasion pour Deckard de s'interroger
sur ses convictions, et pour tout ce beau monde de nous interroger sur la
nature humaine, le temps qui passe, et bien d'autres choses.
Ce qui est certain, c'est que ce film, réalisé par l'encore jeune Ridley
Scott juste après Alien, est assez éloigné du stéréotype du film
de science-fiction à gros budget plein d'effets spéciaux. Des effets, il y
en a pourtant, superbes d'ailleurs, mais avant tout au service d'une
ambiance très prenante. Le Los Angeles futuriste de Scott est sale,
sombre, inquiétant, et pas clinquant pour deux sous, même illuminé par les
nombreux engins spatiaux qui le sillonent. Même si le film se déroule sur
un rythme assez lent qui laisse un peu l'impression que l'aspect visuel
est parfois plus important que le reste, on ne peut qu'admirer le travail
effectué, bien soutenu niveau sonore par une musique de Vangelis qui évite
de trop envahir l'attention.
Autre aspect non conventionnel, c'est bien sûr le côté très philosophique
du scénario, qui tente après bien d'autres de se pencher sur les
caractéristiques de la condition humaine. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il
est toujours convaincant de ce point de vue (la poursuite finale est plus
étrange qu'autre chose à mon sens) mais il réussit quand même à nous
intriguer dans le bon sens du terme grâce à quelques scènes prenantes
(notamment celles faisant intervenir Rachel, personnage assez émouvant),
et la fin (du moins celle que j'ai vue !) hante un petit moment le
spectateur.
Il y a suffisamment de points positifs dans tout ça pour que le film soit,
incontestablement, une oeuvre à voir (et revoir) au potentiel de
fascination certain malgré ses défauts. Mais on peut comprendre qu'il ait
reçu à sa sortie un accueil mitigé, tant il est finalement éloigné de la
froide mais impressionnante efficacité d'un Alien, que je
continue tout de même de lui préférer.
Roupoil, 22 novembre 2008