Séance de rattrapage estivale avec le dernier Burton que
j'avais raté à sa sortie. Et une certaine angoisse au vu des critiques
mitigées que j'en ai entendues : aura-t-on droit à un retour aux sources
après le naufrage de La Planète des singes ? Burton a-t-il renoué
avec un style plus personnel qui nous avait valu tant de bons moments il y
a quelques années ?
Le scénario, sorti de nulle part, est un soulagement : Edward Bloom est, à
l'entendre, l'homme qui a eu la vie la plus passionnant sur cette Terre.
D'une sorcière qui lui prédit la façon dont il va mourir à sa rencontre
avec des chinoises siamoises lors de la guerre, il semble avoir eu
l'étonnante capacité de passer de l'autre côté du miroir à de nombreuses
aoccasions. C'est du moins ce que son fils lui a toujours entendu dire.
Mais aujourd'hui, alors que l'ami Edward, beaucoup moins fringant
désormais, n'attend plus que la visite de Grim Reaper, il aimerait savoir
qui est réllement ce père qui s'est toujours caché derrière ses
affabulations.
Soulagement donc, voilà une histoire qui va permettre à Burton de s'en
donner à coeur-joie niveau fantastiques et personnages farfelus.
D'ailleurs, on n'est guère déçu de ce point de vue là. Nul mieux que lui
n'aurait pu nous tenir la main dans cette visite de musée des horreurs où
l'on croise un géant, un loup-garou, mais également un village enchanté où
les habitants symbolisent leur volonté de demeurer pour toujours en
suspendant leurs chaussures à un endroit inaccessible. On suit donc les
pérégrinations de Bloom dans ce monde de conte de fées sans se faire
prier, et même avec un certain plaisir. Et pourtant, il manque comme un
petit quelque chose. Certes, l'univers visuel est une fois de plus très
réussi, mais on n'y rentre pas aussi parfaitement que dans les précédents
films de Burton. Peut-être cette succession de petites scènes fantaisistes
entrcoupées de retours au présent nuit-elle à l'homogénéité de l'ensemble.
De fait, si par moments on est vraiment transporté (j'ai personnellement
beaucoup aimé le passage où Bloom/McGregor "drague" sa future femme, avec
passage délirant par la Chine), on se contente le reste du temps de
regarder le spectacle, amusé, mais en restant au bord de la route sur
laquelle notre héros se déplace vers de nouvelles aventures. Peut-être
tout simplement a-t-on passé l'âge des contes de fée ?
Quand au reste du film, les tentatives du fils d'en savoir plus sur la
vraie vie de son père, on s'y intéresse finalement peu. D'ailleurs,
pourquoi démystifier tout cela par des bouts d'explication plus pesants
qu'autre chose ? Pas la peine de prendre le spectateur pour un idiot, il
saura très bien reconstituer une vérité plausible à partir des éléments
qu'on lui donne, même magnifiés par l'imagination débridée d'Edward Bloom.
À la place de quoi Burton détruit consciencieusement cet édifice
fantaisiste, pour nous offrir une scène fantaisiste à la mort du vieux
Bloom, qui laisse perplexe par son côté larmoyant qui n'arrive pas à
toucher le spectateur. Quand au message consistant à nous seriner qu'une
vie rêvée peut être préférable à la morne réalité, on s'en serait très
bien passé. Pas la peine du moins d'insister aussi lourdement dessus, la
scène où la belle-fille de Bloom écoute l'air attendri le vieux radoter
une énième histoire loufoque aurait largement suffi.
On ne peut donc pas dire que ce dernier opus du grand Tim soit une
parfaite réussite. Et pourtant, on ne peut que se réjouir de le voir
renouer avec sa veine fantastique et son univers onirique qui ont fait son
succès. On passe malgré tout un bon moment avec ce Big Fish, et
on oublie les errements du précédant opus de Burton, en espérant
secrètement qu'il retrouvera toute son inspiration pour son prochain film.
Roupoil, 14 août 2004.