Deuxième épisode de ma rétrospective Haneke avec son
deuxième film (dingue, non ?), qui à en juger par le résumé au dos de la
jaquette, est aussi sympathique que le précédent. Enfin, je vous laisse
juger par vous-même : Benny, jeune garçon d'une quinzaine d'années plus ou
moins abandonné par ses petits bourgeois de parents (enfin, il vit avec
eux, mais ils ne s'intéressent tellement pas à lui que c'est comme s'ils
n'étaient pas là), se réfugie dans l'univers de la video, filmant
notamment tout ce qui se trouve à portée de sa main. Un week-end de
solitude, il ramène une jeune fille chez lui et la tue devant la caméra.
Roh, le vilain Roupoil, il a raconté tout le film !! Eh bien non, pas du
tout, puisque le meurtre en question se déroule au bout d'une petite
demi-heure de film (le temps de mettre en place le décor) et que ce sont
surtout ses conséquences de cet acte qui intéressent Haneke. De loin, en
tout cas, on est très proche du thème du Septième continent et
son analyse froide et glaçante des dérives de notre socitéé déshumanisée.
Là où ça change, c'est au niveau de la construction. Là où le Septième
continent nous proposait un crescendo très précis dont le seul but
était de s'achever sur un acte irréversible sans se soucier de ce qui se
passerait ensuite (certes, il ne peut pas se passer grand chose ensuite).
Cette fois-ci, ça commence fort, et même très fort. La séquence
pré-générique (abattage d'un cochon filmé en video) est d'une surprenante
brutalité, mais Haneke nous réserve encore nettement pire un peu plus tard
avec le meurtre et surtout la séquence où Benny nettoie les traces et
contemple son oeuvre, sans conteste possible l'une des scènes les plus
dérangeantes et malsaines qu'il m'ait été donné de voir au cinéma. Il n'y
a pas à dire, Haneke est très fort pour ce genre de chose, toujours dans
son style très sobre et froid bien entendu.
Et puis, donc, il se lance dans la tentative délicate de décrire l'après.
Pendant un moment, ça marche tout aussi bien, grâce notamment aux
excellentes performances des acteurs (les scènes entre le père, monstre de
déshumanisation au rationalisme froid, et le film muré dans son mutisme
sont très bien). Et puis tout à coup, presque sans crier gare, le film
essaie de s'aérer en Egypte, et s'effondre complètement. On devine bien où
Haneke veut en venir dans sa démonstration (le crime, bien que de façon
ignoble, a finalement réussi à rapprocher Benny de ses parents,
rapprochement qu'il finit d'ailleurs pas refuser), mais c'est long, ça
manque d'intensité, bref on décroche et on finit par se désintéresser
totalement de la conclusion.
Sentiment mitigé donc pour un film assez frustrant dans la mesure où il
démontre une fois de plus la grande maitrise d'Haneke mais se prend les
pieds dans le tapis au bout d'un moment. Le potentiel était pourtant là
pour faire un très grand film, et je vous conseille quand même de le voir
à l'occasion, même s'il est à mon avis loin de valoir en l'état le
précédent et premier film d'Haneke, pourtant beaucoup plus méconnu.
Roupoil, 28 août 2008.