On continue notre tour des films oscarisables avec le
poids lourd des poids lourds, le dernier Fincher avec ses 13 nominations,
ses stars et son budget plus que conséquent. Quelque part, c'est presque
une surprise de voir Fincher dans cet exercice, lui qui commença tout de
même sa carrière avec quelques films pas vraiment tout public. Mais son
oeuvre précédente, Zodiac, avait peut-être déjà amorçé un
tournant, et faisait en tout cas déjà preuve d'une attirance pour le film
longue durée, confirmée ici avec plus de deux heures et demie à tenir.
Il faut dire que c'est tout la vie de Benjamin Button qui va nous être
contée, par la voix de sa petite-fille au chevet de son amour de toujours
(à lui, pas à la petite fille). N'allez pas me prétendre que je spoile
c'est évident dès le début. Bref, le père Benjamin, outre le fait d'avoir
vécu quelques événements majeurs de notre siècle, a eu tout de même la
très curieuse particularité d'avoir vécu sa vie à l'envers, c'est-à-dire
d'être né vieux et mort jeune. Forcément, du coup, la grande histoire
d'amour de sa vie a été vaguement contrariée par des bêtes histoires d'âge
pas toujours compatibles.
Le concept de départ est, certes, du jamais vu au cinéma, et a nécessité
la mise au point d'effets spéciaux assez sophistiqués, ce qui, ajouté à
une reconstitution historique assez poussée, justifie le budget
faramineux. Soyons honnête, ledit budget a été plutôt bien utilisé, et le
film est visuellement assez inattaquable. Le vieillissement et peut-être
encore plus le rajeunissement de Brad Pitt sont impressionnants (quand il
déboule à l'écran avec sa gueule d'ado, on croirait vraiment qu'ils ont
fait des raccords de ses rôles du début des années 90), et par ailleurs le
travail de Fincher sur l'image est toujours intéressant (une scène de
bombardement assez impressionnante notamment). Bref, le fameux
savoir-faire hollywoodien est bel et bien là, et mine de rien, ça fait
plaisir de voir un beau film.
Le (léger) hic, c'est que ce fameux savoir-faire est très présent dans
tous les compartiments du film, et qu'il y en a pour lesquels c'est un peu
moins enthousiasmant. Notamment au niveau du déroulement de l'intrigue. Le
scénario lui-même n'est pas mauvais du tout, mais je ne peux m'empêcher de
regretter le mode de narration franchement paresseux (le flash-back, ça
commence à bien faire), les rebondissements un peu trop faciles à deviner
(sans compter qu'ils arrivent toujours au moment où il faut, comme il se
doit), et les personnages secondaires très convenus (même si la mère
adoptive de Benjamin est très sympa). Sans compter que la psychologie des
deux personnages principaux eux-mêmes n'est pas extrêmement développée. En
fait, on sent très bien la patte du scénariste de Forrest Gump :
une histoire qui s'étale sur une très longue durée, avec plein d'à côtés
limite hors sujet (ok, la guerre tout ça, mais finalement, ça n'apporte
strictement rien au film), ce n'est pas du tout désagréable à suivre, mais
ça manque un peu d'accroche durable pour être réellement palpitant.
Ceci dit, même s'il y a pas mal de (très joli, rappelons-le) remplissage,
Fincher réussit quand même à nous impressionner dans quelques scènes clés
souvent déchirantes. Somme toute, on a quand même bien pour son argent
avec tout ça. Pas un chef-d'oeuvre, non, mais un bon film qui mérite son
statut de classique à peine sorti.
Roupoil, 12 février 2009.