Comme souvent, la période des vacances est pour moi
l'occasion de retourner voir quelques-uns des films que j'ai ratés pendant
les mois précédents. Vive Paris, on trouve toujours un cinéma pour
continuer à tout passer pour les retardataires comme moi. Enfin, là, je ne
parle pas de ce Babel qui est encore à l'affiche dans bon nombre
de salles, et que je voulais voir depuis un certain temps déjà. Faut dire
que, malgré la présence de Naomi Watts, j'avais raté le précédent
Inarritu, 21 grammes, il fallait que je me rattrape.
Babel, ce n'est pas une histoire mais plusieurs destins qui se croisent
aux quatre coins du globe. Il y a le couple d'américains qui tente de se
reconstruire en vacances, la nourrice de leurs enfants qui veut assister
au mariage de son fils mexicain, une famille de montagnards marocains, et
une jeune sourde-muette japonaise en proie à une libido envahissante. Le
lien entre tout ça ? Une balle japonaise qui part du haut de la montagne
marocaine pour aller se planter dans la chair de l'épouse américaine.
Un peu fabriqué ? Oui, il faut bien l'admettre, Babel, avec son
titre accrocheur, est un film très ambitieux, mais qui ne comble pas
vraiment toutes les attentes qu'on pouvait fonder sur lui. Je n'ai pas été
lire toutes les déclarations d'Inarritu, qui semble avoir pris son projet
très au sérieux et voulu réaliser une grande réflexion sur le problème de
la communication dans la société actuelle. Mais faire tomber toute la
misère du monde sur quelques personnages (de façon assez excessive,
d'ailleurs) ne suffit pas à rendre le film intelligent, et Inarritu ne
creuse pas vraiment ailleurs que du côté du mélo. Quand au côté
"répercussions d'un coup de feu partout dans le monde", soyons sérieux,
on a juste un film à sketches reliés de façon quasi arbitraire, et muni
d'un montage sophistiqué.
Une fois ces réserves admises, rien n'empêche d'apprécier ces sketches à
leur juste valeur. Il n'y a pas que dans la construction du récit
qu'Inarritu fait son kéké, la réalisation aussi réserve quelques scènes
vaguement tape-à-l'oeil et pas vraiment indispensables (au hasard, la
scène en boite de nuit au Japon). Mais après pourquoi ne pas se faire un
peu plaisir quand on a le talent pour ? La virtuosité n'est pas
nécessairement un défaut, d'autant plus qu'Inarritu fait preuve d'un
talent certain pour retranscrire l'urgence de certaines situations ou les
émotions de ses personnages. Du coup, bêtement, on accroche à ces
histoires individuelles à défaut de saisir le message global. Et comme les
acteurs sont bons, que les images sont belles et le sens du récit assez
maitrisé, on se laisse même aller avec un certain bonheur.
Finalement, même si Inarritu loupe peut-être l'objectif qu'il s'était fixé
(manifestement faire plus qu'un simple bon moment de cinéma), il a réussi
plus simplement à brosser de belles tranches de vie, de celles qui nous
font aller au cinéma. C'est déjà pas mal.
Roupoil, 30 décembre 2006.