Je suis en pleine période de redécouverte de classiques
du vieux cinéma hollywoodien (si, si, vous savez, quand Spielberg était
même pas né). Pur hasard en l'occurence, mais du coup, quand je suis tombé
devant un DVD d'Autant en emporte le vent en allant faire mes
courses l'autre jour, j'ai craqué. Et une longue soirée de vacances passée
devant ce classique que je n'avais encore jamais vu (eh oui, ma bonne
dame, on ne reçoit pas toujours de ses parents l'éducation qu'on mérite
;-) ).
Là, je suis sûr que tout le monde se dit « Bon, quand même, il va pas nous
raconter l'histoire, tout le monde la connait ». Eh ben si, je vais la
raconter, parce qu'en ce qui me concerne, je ne connaissais que le nom des
personnages principaux, sans savoir du tout les péripéties (nombreuses...)
de l'intrigue. Donc voilà, la jeune Scarlett O'Hara, fille d'un
propriétaire irlandais dans le Sud américain (le vrai, avant la Guerre de
Sécession), fait tourner la tête de tous les jeunes hommes du voisinage.
Pas de chance, elle en pince pour Ashley Wilkes, qui va se marier avec sa
cousine Mélanie Hamilton. De dépit, elle se marie aussi, avec le frangin
de ladite Mélanie. Mariage qui n'aura guère le temps d'être malheureux,
puisque Charles meurt au combat (enfin presque) assez rapidement. Scarlett
part rejoindre Mélanie à Atlanta, dans le secret espoir de revoir Ashley
de temps à autre. En attendant, elle soigne les blessés et se fait
courtiser à l'occasion par le beau Rhett Butler, profiteur cynique mais
beaucoup plus lucide que les autres sur l'avenir du Sud. Quelqu'un qui
irait très bien à Scarlett la pimbêche, mais ce serait trop facile.
D'ailleurs, ce n'est que le début des aventures de Scarlett puisqu'au
moment où j'arrête mon récit, on est à peu près au tiers du film.
Il est très difficile de comparer un film comme celui-ci à ce qu'on a
l'habitude de voir sur nos écrans aujourd'hui, tellement la conception du
cinéma a changé en 66 ans. Même les grands films hollywoodiens actuels
n'ont plus cet esprit "grand spectacle sur grand écran", qui s'adresse à
tout le monde sans chercher à imposer une originalité qui ne préocuppait
personne à l'époque, et où le réalisateur se contentait de filmer et
diriger ses acteurs sans imposer sa griffe. Peut-être un Titanic
relève-t-il encore de ce cinéma grand public, mais il me semble tout de
même beaucoup plus sophistiqué, sans être par ailleurs plus efficace.
Bref, ici, le seul but des images est d'illustrer le plus fidèlement
possible le roman de Margaret Mitchell. Et on ressent vraiment cet esprit
de grande histoire à raconter. Pour peu, on imaginerait le coin du feu et
la grand-mère en train de lire le livre pendant que les images défilent.
On prend son temps (l'invraisemblable plan fixe de deux minutes avant même
le début du film, qui laisse le temps de s'installer confortablement),
mais les péripéties s'enchainent à bon rythme car il y a tout de même
beaucoup à raconter. Et ce qui est incroyable, c'est que, pendant près de
quatre heures (peut-être un peu moins, en fait, dans la dernière
demi-heure, ça finit par s'essoufler un brin), on est captivé, se
demandant en permanence ce qui va se passer ensuite, et se laissant mener
en bateau même quand le nombre de retournements et l'invraisemblance des
situations pourrait finir parlasser). À quoi cette incroyable fluidité
dans la narration est-elle due ? Un peu tout certainement, de l'efficacité
des acteurs à la précision des dialogues, en passant par la superbe
reconstitution (quoi qu'on en dise, le Technicolor, c'est vachement plus
joli que le noir et blanc qu'un noir et blanc qui a mal vieilli). On
passera gentiment sous silence les quelques scènes d'action qui font un
peu sourire (non, quand même, faut pas charrier, la fuite d'Atlanta en
flammes, c'est trop kitsch), et on constatera avec plaisir que le film a
très bien vieilli. Il faut dire que la distance idéale laissée entre la
caméra et les acteurs (ah, les oeuillades de Vivien Leigh...) permet un
passage au second degré de temps à autre qui, s'il n'est pas volontaire,
est en tout cas assez réjouissant. Et si ce film n'a peut-être pas la
force d'oeuvres plus tardives, c'est tout simplement que son but n'est pas
là...
Autant en emporte le vent, c'est un peu la madeleine de Proust du
cinéma (même à la première vision, ce qui est quand même assez fort). Ça a
beau être d'une simplicité renversante, on y goûte avec un plaisir
immense. Et quel autre film de quatre heures vous pousse jusqu'au bout de
la nuit car vous n'avez pas envie de vous arrêter en plein milieu ? Je ne
pense pas que ce chef-d'oeuvre intemporel ait beaucoup d'équivalents dans
l'histoire du cinéma...
Roupoil, 5 mai 2005.