Autant en emporte le vent,

film de Victor Fleming (1939)



Avis général : 8.5/10
:-) La narration très bien menée. La reconstitution impeccable (et le Technicolor, quand même).
:-( C'est un peu kitsch par moments. Et ça finit par tourner en rond à force de revirements.

Je suis en pleine période de redécouverte de classiques du vieux cinéma hollywoodien (si, si, vous savez, quand Spielberg était même pas né). Pur hasard en l'occurence, mais du coup, quand je suis tombé devant un DVD d'Autant en emporte le vent en allant faire mes courses l'autre jour, j'ai craqué. Et une longue soirée de vacances passée devant ce classique que je n'avais encore jamais vu (eh oui, ma bonne dame, on ne reçoit pas toujours de ses parents l'éducation qu'on mérite ;-) ).

Là, je suis sûr que tout le monde se dit « Bon, quand même, il va pas nous raconter l'histoire, tout le monde la connait ». Eh ben si, je vais la raconter, parce qu'en ce qui me concerne, je ne connaissais que le nom des personnages principaux, sans savoir du tout les péripéties (nombreuses...) de l'intrigue. Donc voilà, la jeune Scarlett O'Hara, fille d'un propriétaire irlandais dans le Sud américain (le vrai, avant la Guerre de Sécession), fait tourner la tête de tous les jeunes hommes du voisinage. Pas de chance, elle en pince pour Ashley Wilkes, qui va se marier avec sa cousine Mélanie Hamilton. De dépit, elle se marie aussi, avec le frangin de ladite Mélanie. Mariage qui n'aura guère le temps d'être malheureux, puisque Charles meurt au combat (enfin presque) assez rapidement. Scarlett part rejoindre Mélanie à Atlanta, dans le secret espoir de revoir Ashley de temps à autre. En attendant, elle soigne les blessés et se fait courtiser à l'occasion par le beau Rhett Butler, profiteur cynique mais beaucoup plus lucide que les autres sur l'avenir du Sud. Quelqu'un qui irait très bien à Scarlett la pimbêche, mais ce serait trop facile. D'ailleurs, ce n'est que le début des aventures de Scarlett puisqu'au moment où j'arrête mon récit, on est à peu près au tiers du film.

Il est très difficile de comparer un film comme celui-ci à ce qu'on a l'habitude de voir sur nos écrans aujourd'hui, tellement la conception du cinéma a changé en 66 ans. Même les grands films hollywoodiens actuels n'ont plus cet esprit "grand spectacle sur grand écran", qui s'adresse à tout le monde sans chercher à imposer une originalité qui ne préocuppait personne à l'époque, et où le réalisateur se contentait de filmer et diriger ses acteurs sans imposer sa griffe. Peut-être un Titanic relève-t-il encore de ce cinéma grand public, mais il me semble tout de même beaucoup plus sophistiqué, sans être par ailleurs plus efficace.

Bref, ici, le seul but des images est d'illustrer le plus fidèlement possible le roman de Margaret Mitchell. Et on ressent vraiment cet esprit de grande histoire à raconter. Pour peu, on imaginerait le coin du feu et la grand-mère en train de lire le livre pendant que les images défilent. On prend son temps (l'invraisemblable plan fixe de deux minutes avant même le début du film, qui laisse le temps de s'installer confortablement), mais les péripéties s'enchainent à bon rythme car il y a tout de même beaucoup à raconter. Et ce qui est incroyable, c'est que, pendant près de quatre heures (peut-être un peu moins, en fait, dans la dernière demi-heure, ça finit par s'essoufler un brin), on est captivé, se demandant en permanence ce qui va se passer ensuite, et se laissant mener en bateau même quand le nombre de retournements et l'invraisemblance des situations pourrait finir parlasser). À quoi cette incroyable fluidité dans la narration est-elle due ? Un peu tout certainement, de l'efficacité des acteurs à la précision des dialogues, en passant par la superbe reconstitution (quoi qu'on en dise, le Technicolor, c'est vachement plus joli que le noir et blanc qu'un noir et blanc qui a mal vieilli). On passera gentiment sous silence les quelques scènes d'action qui font un peu sourire (non, quand même, faut pas charrier, la fuite d'Atlanta en flammes, c'est trop kitsch), et on constatera avec plaisir que le film a très bien vieilli. Il faut dire que la distance idéale laissée entre la caméra et les acteurs (ah, les oeuillades de Vivien Leigh...) permet un passage au second degré de temps à autre qui, s'il n'est pas volontaire, est en tout cas assez réjouissant. Et si ce film n'a peut-être pas la force d'oeuvres plus tardives, c'est tout simplement que son but n'est pas là...

Autant en emporte le vent, c'est un peu la madeleine de Proust du cinéma (même à la première vision, ce qui est quand même assez fort). Ça a beau être d'une simplicité renversante, on y goûte avec un plaisir immense. Et quel autre film de quatre heures vous pousse jusqu'au bout de la nuit car vous n'avez pas envie de vous arrêter en plein milieu ? Je ne pense pas que ce chef-d'oeuvre intemporel ait beaucoup d'équivalents dans l'histoire du cinéma...

Roupoil, 5 mai 2005.



Retour à ma page cinema