Hop, un 14 février au soir, on a rien de bien intéressant
à faire, donc autant se mettre un petit film. Tiens, ça fait longtemps que
j'ai pas vu Amélie Poulain, ça m'a l'air tout à fait adapté. Ca
fait un certain temps que je ne l'avais pas vu ; sans être aussi
fanatique que certains, j'avais vraiment aimé à l'époque, voyons si la
magie fonctionne encore.
L'Amélie Poulain du titre, rappelons-le à ceux qui auraient raté le
phénomène, est une jeune fille assez ordinaire et extraordinaire tout à la
fois. Serveuse dans un café de Montmartre et habitant seule avec son chat
dans son petit appartement, elle tombe un jour par hasard sur la drôle de
sacoche d'un drôle de type collectionnant les Photomaton ratés. Ne
serait-elle pas en train de tomber amoureuse ? Le problème, c'est qu'elle
s'occupe pour l'instant plus du bonheur des autres que du sien...
Résumer ce film à son histoire ne rime pas à grand chose, puisque tout est
dans le décalage et dans la poésie subtile qui en affleure. Dès
l'introduction (la présentation des membres de la famille Poulain et la
résumé de l'enfance d'Amélie), on est dans un monde différent. Au niveau
des images déjà, mais on faisait confiance à Jeunet pour nous sortir une
fois de plus quelque chose d'innovant et maitrisé (on peut trouver sa
réalisation un peu exagérée ou maniérée par moments ; moi-même, je trouve
par exemple l'utilisation d'effets spéciaux voyants à intervalles
réguliers tout à fait superflue, mais il y a quand même un paquet d'idées
et d'intelligence dans sa façon de filmer). Mais c'est surtout le ton de
la narration, avec comme caractéristique l'accumulation de petits détails
inutiles et donc essentiels, qui surprend.
En fait, on a un peu l'impression que Jeunet a voulu faire un film dans un
univers rêvé (le sien), plein de poésie, où les gens n'hésitent pas à
mettre en oeuvre les idées saugrenues que chacun d'entre nous a en tête
(enfin, j'espère) mais garde soigneusement pour lui dans la vie réelle. Et
en faisant ce film, il ne s'est fixé aucune limite. Alors parfois il n'est
pas loin de se casser la gueule, ça parait naïf, comme cette histoire de
lettre perdue et reconstituée pour faire plaisir à la concierge. Mais la
plupart du temps, on est touché, voire bouleversé dans les bons cas (moi,
par exemple, la scène où Bredoteau retrouve sa boite à joujoux dans la
cabine téléphonique, comme lui, je craque).
Et puis il y a la bluette entre Amélie et Nino. D'aucuns trouveront ça
gentiment niais et complètement irréaliste. Oui, certes, mais j'ai
l'impression qu'il y a une intention chez Jeunet beaucoup plus forte que
la simple envie de faire passer à l'écran une amourette trop belle pour
être probable dans notre monde. Je ressens (et là, pour le coup, je parle
vraiment à la première personne) une sorte de fascination, presque de
jalousie de la part de l'auteur envers ses héros. C'est un peu cruche,
oui, mais quand même c'est beau tout ça, et qu'est-ce que ce serait bien
si ça pouvait vraiment exister.
Je m'égare peut-être dans des considérations personnelles, mais je pense
vraiment que c'est un film qui mérite une vision profondément personnelle,
car il est loin d'être aussi superficiel qu'il n'en a l'air (pour ma part,
et pour les raisons évoquées précédemment, je trouve que c'est un film
très déprimant, et ça a l'air de faire bondir au plafond les personnes à
qui je dis ça). C'est peut-être pas toujours parfait, donc pas le
chef-d'oeuvre que certains ont voulu y voir, mais quand même un très bon
film.
Roupoil, 18 février 2006.