C'est rigolo, c'est le deuxième film de 1972 que je vois
en quelques jours. Bon, ok, tout le monde s'en fout. Plus étonnant, je me
suis retrouvé à découvrir ce classique de Werner Herzog juste au moment où
il faisait l'objet d'une reprise ciné, totalement par hasard (et c'est
bien chez moi que je l'ai vu). Un sujet intéressant, une réputation
légendaire suite aux difficultés provoquées par Kinski sur le tournage, ça
fait certainement partie des films qu'il faut avoir vu une fois dans sa
vie.
Au fin fond de la jungle amazonienne, à la fin du seizième siècle, une
expédition conduite par Pizarro est à la recherche de la mythique cité
d'Eldorado. Face à la lenteur de l'avancée des troupes et au manque de
vivres, Pizarro lance en avant une quarantaine d'hommes sous la direction
du noble et raisonnable Ursua, et de son second, le beaucoup plus
imprévisible Aguirre. Celui-ci ne va d'ailleurs pas tarder à prendre le
commandement de l'expédition, bien décidé à en accaparer la gloire.
C'est tout de même un assez curieux film que celui qu'a concocté Herzog.
On pourrait d'attendre, au vu du sujet, à un beau film d'aventures
historique, avec moult action et péripéties. Mais ce n'est pas trop le
trip ici. La plupart du temps, il ne se passe rien, et Herzog se contente
de capter la fatigue et le désespoir sur les visages des conquistadors. Et
ce n'est finalement pas forcément plus mal, car les quelques scènes
d'action ne sont pas les plus réussies du lot : effets franchement bof
notamment pour le sang coulant des blessures, et des acteurs pas tous
flamboyants qui nuisent à la crédibilité de la chose.
Alors que le reste du temps, quand Herzog filme l'attente inquiète (et pas
toujours jouée d'ailleurs, puisque beaucoup de scènes ont été réalisées
sur le vif dans des coditions de tournage très difficiles), il se passe
quelque chose. J'ai parlé de désespoir plus haut, c'est vraiment cela que
l'on ressent de plus en plus au fur et à mesure que le dénouement
approche. Des morts qui s'accumulent, un ennemi invisible mais d'autant
plus terrifiant, le drame est inéluctable et tout le monde, sauf peut-être
Aguirre, en est conscient. Les dernières scènes, qui se contentent de
confirmer cette sentation, sont d'une très grande force, ce qui suffirait
au film à laisser un souvenir très marquant.
Ajoutons à cela une musique qu'on qualifiera d'étonnante du groupe de prog
allemand Popol Vuh (ça ne s'invente pas), et des images superbes de la
jungle sud-américaine (à ce propos, je note que la bande-annonce incluse
dans le DVD a par contre une image plus que médiocre, c'est assez
curieux), et on comprend que ce film ait marqué les esprits. S'il avait su
s'en sortir un peu mieux dans la première demi-heure (construction de
l'intrigue un peu poussive), ç'aurait été encore mieux.
Roupoil, 11 juillet 2008.